Ratification du Ceta : que va-t-il se passer après le rejet par le Sénat de l'accord de libre échange entre l'UE et le Canada ?
Et maintenant ? Le Sénat a voté contre la ratification du Ceta, un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, jeudi 21 mars. Une alliance gauche-droite de circonstance a permis le rejet du texte, qui pourrait donc repasser devant l'Assemblée nationale, alors que celle-ci l'avait adopté en 2019, de justesse. La France fait partie des dix pays qui n'ont jamais donné le feu vert officiel à ce traité transatlantique au contenu contesté.
Le Ceta est un accord dit "mixte", car il mêle des domaines relevant à la fois des compétences européennes et nationales. En réalité, 90% des dispositions du texte sont déjà appliquées provisoirement depuis le vote du Parlement européen en février 2017. C'est, entre autres, le cas des mesures commerciales du traité, comme les tarifs douaniers, qui relèvent de la compétence exclusive de l'Union européenne. Le Ceta supprime les droits de douane sur 98% des produits échangés entre l'UE et le Canada.
Au total, 43 parlements à convaincre
Mais d'autres dispositions relèvent de compétences partagées entre l'UE et les Etats, comme celles qui concernent les investissements ou la création d'un tribunal d'arbitrage des contentieux entre Etats et entreprises. C'est la raison pour laquelle il faut emporter l'accord de chacun des 43 Parlements nationaux et régionaux de l'UE pour faire appliquer l'intégralité du Ceta. Les réticences étant nombreuses, ce processus prend du temps, beaucoup de temps.
En janvier 2023, l'Allemagne est devenue le 17e Etat membre de l'UE à dire oui au Ceta, et reste le dernier en date. Dix pays traînent aujourd'hui les pieds : la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Pologne et la Slovénie. Et ce, malgré des piqûres de rappel répétées. En janvier, le Parlement européen a encore adopté une résolution les encourageant à ratifier l'accord le plus rapidement possible.
En France, le dossier est arrivé au Palais du Luxembourg quatre ans après la ratification du texte par l'Assemblée nationale, à la faveur d'un coup politique du groupe communiste. Le vote négatif du Sénat n'équivaut toutefois pas à un rejet définitif du Ceta par la France, puisque le texte est censé retourner devant les députés pour un nouvel examen – périlleux, certes, car le camp présidentiel ne dispose plus de la majorité comme en 2019. Dès le résultat connu au Sénat, jeudi, les députés communistes ont annoncé leur intention d'inscrire la ratification du Ceta à l'ordre du jour de l'Assemblée le 30 mai, lors de leur niche parlementaire.
Que se passerait-il en cas de rejet du Ceta par les députés ? "La déclaration 20 du Conseil de l'UE prévoit la dénonciation de l'application provisoire du Ceta si la ratification échoue pour un Etat membre", rappelle sur franceinfo Alan Hervé, professeur de droit public à Sciences Po Rennes. "La confirmation par l'Assemblée nationale du rejet du Ceta permettra de mettre fin à son application", affirment ainsi les députés communistes dans leur communiqué, jeudi. "Mais il faudrait que le gouvernement français le notifie officiellement à Bruxelles", prévient l'universitaire. Ce qu'il n'est pas obligé de faire.
De nombreux Etats réticents
Ainsi, à l'été 2020, le Parlement chypriote avait rejeté la ratification du Ceta sans que Nicosie communique de notification formelle. L'accord continue donc de s'appliquer provisoirement à Chypre et ailleurs. Si Paris décidait de notifier cet échec, les conséquences seraient immédiates : l'application provisoire du Ceta serait alors suspendue dans l'intégralité des Etats membres. Mais cela ne semble nullement être l'intention de l'exécutif.
Dans de nombreux autres pays réfractaires, la situation semble bloquée, ou quelque peu oubliée. Le parti Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, au pouvoir en Italie, est opposé au Ceta. Le gouvernement slovène, selon la presse locale, souhaite que la Cour constitutionnelle du pays donne d'abord son avis sur le texte. Et en Irlande, la Cour suprême irlandaise a estimé, en novembre 2022, que le pays ne pouvait pas ratifier le traité sans avoir d'abord amendé la loi sur l'arbitrage en vigueur. Dès 2016, la Wallonie avait bloqué la ratification pour la Belgique, cristallisant le combat des "anti" au niveau européen.
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