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La fin du trou de la Sécu, une annonce crédible ou une intox électorale ?

A quelques mois de l'élection présidentielle, le gouvernement a annoncé que le déficit de la Sécurité sociale retrouvera l'équilibre en 2017. Une première depuis quinze ans.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
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La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, le 22 septembre 2016 à l'Elysée. (YANN KORBI / CITIZENSIDE / AFP)

Du jamais-vu depuis quinze ans. "Le trou de la Sécu aura disparu" en 2017, clame Marisol Touraine, qui a présenté vendredi 23 septembre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Dans une interview accordée aux Echos, la ministre de la Santé affirme que la gauche au pouvoir a "sauvé la Sécu", quand la droite "avait multiplié les franchises et creusé le déficit", déjà chronique. A quelques mois de l'élection présidentielle, quel crédit accorder à cette annonce surprenante dans un contexte de reprise économique encore timide ?

Une réduction impressionnante depuis 2010

Après avoir atteint un niveau abyssal en 2010 (23,9 milliards d'euros), le déficit de la Sécurité sociale n'a cessé de se résorber. En 2017, il ne devrait plus atteindre que 400 millions d'euros, un montant très proche de l'équilibre, que Marisol Touraine compare à "l'épaisseur du trait". "L'histoire de ce quinquennat, c'est la fin des déficits sociaux", affirme la ministre. Depuis l'arrivée de François Hollande, la réduction des déficits s'est en effet poursuivie à un rythme soutenu, comme le montre ce graphique.

Trois des quatre branches de la Sécurité sociale (famille, vieillesse, accidents du travail) sont censées être à l'équilibre, voire excédentaire, en 2017. Seule la branche assurance maladie resterait dans le rouge, avec un déficit de 2,6 milliards d'euros.

Mais il ne s'agit que d'une prévision

Il ne faut pas crier victoire trop vite. Le retour à un quasi-équilibre du budget de la Sécurité sociale en 2017 n'est qu'une prévision, inscrite par le gouvernement dans son projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Cette prévision ne pourra être vérifiée qu'une fois l'année 2017 écoulée.

Or, en 2017, de nombreuses dépenses nouvelles vont être engagées, comme la hausse de 2 euros du tarif de la consultation pour les médecins généralistes. Pour que le budget reste dans les clous, le gouvernement prévoit de faire des économies, à hauteur de 4 milliards d'euros, au lieu de 3 milliards les années précédentes. Reste à savoir si cet engagement sera tenu.

Et le déficit pourrait repartir à la hausse

La Cour des comptes n'est pas tout à fait du même avis que le gouvernement. Dans un rapport publié le 20 septembre, les magistrats financiers estiment que "les incertitudes affectant l’évolution de la masse salariale, et donc la progression spontanée des recettes, au cours des années à venir ne permettent pas d’assurer une trajectoire de retour rapide à l’équilibre sans intensifier les efforts d’économies sur la dépense".

Pour la Cour des comptes, "le respect de la trajectoire de retour à l’équilibre suppose de dégager des économies d’un montant annuel significativement plus élevé que jusqu’à présent en matière d’assurance maladie".

D'autant que les méthodes de calcul ne sont pas irréprochables

Les comptes présentés par le gouvernement ne sont pas exempts de tout reproche. Ainsi, la Cour des comptes relève que, pour l'année 2016, un "produit exceptionnel" de CSG de 700 millions d'euros a été intégré aux recettes "de manière très discutable au regard du cadre normatif applicable à l’établissement des comptes".

Autre grief opposable au gouvernement : les données mises en avant par Marisol Touraine pour se féliciter de la fin du trou de la Sécu ne prennent pas en compte le déficit du Fonds de solidarité vieillesse qui, certes, ne fait pas partie de la Sécu, mais sert à compléter la pension des personnes ayant une faible pension de retraite. Or, celui-ci s'élèvera à 3,8 milliards d'euros en 2017.

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