Chute du gouvernement Barnier : pensions de retraite, barème de l'impôt, jours de carence... Ces mesures budgétaires devenues caduques en raison de la censure

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La page d'accueil du site officiel des impôts. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS / AFP)
Consécutivement au vote, mercredi soir, de la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier, les textes budgétaires se retrouvent presque définitivement enterrés. Certains vont y gagner, d'autres non.

La France plonge dans l'inconnu. Alors que le gouvernement de Michel Barnier a été censuré par l'Assemblée nationale, mercredi 4 décembre, l'avenir des textes budgétaires est plus qu'incertain. Ce vote entraîne automatiquement le rejet du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Quant au budget 2025, actuellement examiné par le Sénat après son rejet à l'Assemblée nationale, il a désormais très peu de chances d'être adopté d'ici la fin d'année. Pour chacun de ces deux textes, une loi spéciale pourrait donc être votée en urgence afin de reconduire les dispositions prévues par le budget 2024. Effet immédiat de la censure, plusieurs mesures prévues dans les textes budgétaires 2025 deviennent caduques. Franceinfo les détaille.

La sous-indexation des retraites

Ce fut l'un des dossiers chauds de la bataille budgétaire. Après avoir envisagé de décaler de six mois la revalorisation des pensions de retraite, le gouvernement avait reculé, en novembre, sous la pression de la droite. Le budget de la Sécurité sociale prévoyait finalement d'augmenter les pensions de retraite de la moitié de l'inflation au 1er janvier 2025, avec un complément au 1er juillet pour les retraites inférieures au smic (1 426 euros net par mois). Cette mesure, qui devait permettre de réaliser 3 milliards d'économies, pénalisait malgré tout les retraités dont la pension se situait au-dessus du smic. Ils auraient bénéficié d'une revalorisation moindre que le niveau de l'inflation.

Sans budget de la Sécurité sociale, les pensions des retraités seront revalorisées à hauteur de l'inflation au 1er janvier, comme le prévoit le code de la Sécurité sociale. Cette augmentation bénéficiera à plus de 14 millions de retraités affiliés à des régimes de base obligatoires(Nouvelle fenêtre), selon les chiffres communiqués en janvier par le site service-public(Nouvelle fenêtre), au moment de la précédente revalorisation des pensions. Sans nouveau texte budgétaire adopté, "les retraités seraient effectivement gagnants", a reconnu sur franceinfo la ministre du Travail et de l'Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet.

La revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoyait de revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu de 2% afin de tenir compte de l'inflation et plus particulièrement de l'augmentation des revenus des ménages. Avec la censure, un projet de loi de finances spéciale pour parer à l'urgence se profile. Et ce texte ne ferait que reconduire les dispositions prévues dans le budget 2024. Les six tranches du barème de l'impôt sur le revenu resteraient au même niveau et ne suivraient donc pas la hausse des prix, estimées par l'Insee à 2% pour 2024.

Michel Barnier a prévenu que cela entraînerait une hausse des impôts pour "près de 18 millions de Français". Par ailleurs, 380 000 Français jusqu'ici non imposés devraient aussi s'en acquitter, selon le gouvernement qui se base sur une étude de l'(Nouvelle fenêtre)Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiée début octobre. "Si on ne neutralise pas les effets de l'inflation, un certain nombre de personnes pas éligibles à l'impôt vont le devenir, et ceux qui en paient vont en payer plus", note Mathieu Plane, économiste à l'OFCE. Mais cette hausse mécanique des impôts n'est pas définitive. Le barème de l'impôt sur le revenu pourra être corrigé de manière rétroactive si un budget est voté au cours de l'année 2025. "Idéalement, il faut le faire avant le printemps prochain et la date de déclaration des revenus [pour 2024]", explique Victor Fouquet, docteur en droit et spécialiste des finances publiques.

Le passage à trois jours de carence dans la fonction publique

Le gouvernement avait présenté fin octobre un plan de lutte contre l'"absentéisme" des fonctionnaires. Parmi les mesures envisagées, il souhaitait ne plus payer les deuxième et troisième jours des arrêts-maladies en allongeant le délai de carence de un à trois jours. Une réduction de la rémunération versée aux fonctionnaires en arrêt-maladie à 90%, contre 100% actuellement, était aussi prévue dans le volet "recettes" du projet de loi de finances. Plus d'un milliard d'euros d'économies étaient envisagées par le biais de cette mesure. Les syndicats de la fonction publique, qui avaient appelé à la grève ce jeudi pour protester contre le budget 2025, ont maintenu leur journée de mobilisation malgré la motion de censure.

La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus

Le budget 2025 prévoyait une contribution temporaire et exceptionnelle sur les ménages les plus aisés. Ce qui devait concerner 24 300 foyers fiscaux selon le ministère du Budget. Cette mesure, qui devait s'appliquer jusqu'en 2027 (avec l'impôt sur les revenus de l'année 2026), devait permettre de garantir l'imposition des ménages à un taux moyen minimum de 20% et de lutter contre l'optimisation fiscale. Elle devait concerner ceux qui sont déjà soumis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), c'est-à-dire ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 250 000 euros net pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple.

La surtaxe sur les grandes entreprises

La surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises figurait parmi les mesures fortes du gouvernement pour renflouer les caisses de l'Etat. Alourdie par un amendement de la gauche avant le rejet du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, elle avait récemment été approuvée lors de l'examen au Sénat. Cette taxe ciblait les 450 entreprises réalisant plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en France et se serait traduite par une majoration de l'impôt sur les sociétés.

Le ministre du Budget sortant, Laurent Saint-Martin, avait jugé que c'était un "mal nécessaire". Elle devait rapporter 8 milliards d'euros en 2025 puis 4 milliards en 2026. Sans budget, la taxe exceptionnelle sur les grandes entreprises de fret maritime, qui devait seulement concerner l'armateur français CMA CGM, est aussi caduque pour le moment.

Des dispositions pour les agriculteurs

Plusieurs mesures attendues par les agriculteurs figuraient dans le projet de loi de finances pour 2025 et celui de financement pour la Sécurité sociale, comme des allègements de charges pour les travailleurs occasionnels ou des aides pour favoriser l'installation de nouveaux exploitants. Une réforme de la retraite des agriculteurs, qui devait être calculée sur les 25 meilleures années, était aussi prévue. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, avait jugé mercredi matin sur France Bleu qu'une motion de censure serait une "très mauvaise nouvelle" pour le monde agricole.

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