Hausse des carburants : "Il faut construire des alternatives à la voiture individuelle partout là où c'est possible", suggère un think tank
Matthieu Auzanneau, du think tank de la transition énergétique the Shift Project, estime que "la montée des prix de l'énergie est inexorable".
"Il faut construire des alternatives à la voiture individuelle partout là où c'est possible", a affirmé jeudi 14 octobre sur franceinfo Matthieu Auzanneau, auteur et blogueur spécialiste d’écologie et d’économie, directeur du think tank de la transition énergétique the Shift Project. Le gouvernement planche sur des mesures pour atténuer la flambée des prix du carburant : baisse de la taxe, chèque énergie ou geste fiscal. Selon Matthieu Auzanneau, "la montée des prix de l'énergie est inexorable", donc "il faut une stratégie de long terme" car "pour l'instant, on procrastine".
franceinfo : Que peut faire le gouvernement pour atténuer les augmentations du carburant ?
Matthieu Auzanneau : On est dans une impasse. L'évolution à laquelle on est confronté, celle de l'augmentation des prix d'énergie est inexorable. Ce n'est pas le gouvernement, ce n'est pas les taxes qui font que les prix de l'énergie augmentent. C'est qu'on a des besoins mondiaux d'énergie et en particulier d'énergies fossiles qui ne cessent d'augmenter. Or, l'humanité s'est engagée à sortir de ces énergies fossiles.
Ce qui manque tout simplement, c'est un plan de montage. Aujourd'hui pour les gens qui habitent en grande périphérie urbaine, il n'y a pas d'autre choix que d'utiliser un diesel ou une voiture à essence. Il faut construire des alternatives à la voiture individuelle partout là où c'est possible. Et c'est possible en grande périphérie urbaine, là où habite la moitié de la population française. Pour l'instant, on procrastine.
La baisse des taxes, c'est une solution ?
La Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques [TICPE] rapporte de l'ordre de 30 milliards d'euros par an. C'est une des ressources majeures pour financer l'État. Avec la crise du Covid-19, on a consenti des efforts d'endettement sans précédent. Je ne sais pas si c'est pertinent de le faire, mais ce serait à nouveau aggraver un peu plus l'endettement. Il n'y a pas de repas gratuit dans cette histoire.
Ce qui est clair, c'est qu'on est confronté aujourd'hui, avec un prix du diesel qui a atteint un record historique, à une des contraintes réelles pour des gens qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur diesel pour aller bosser. Il faut répondre à ces gens à court terme, mais par contre, ce qui devient enfin manifeste, c'est qu'on est confronté à une évolution encore une fois inexorable, les prix de l'énergie vont augmenter, et il faut une stratégie de long terme qui soit comprise.
Que faut-il faire exactement ?
Sortir du pétrole, cela veut dire réussir une opération à cœur ouvert. Le pétrole, est le fond de l'économie aujourd'hui. Il suffit de regarder par sa fenêtre, c'est ce qui vascularise toutes les activités. Ce n'est pas une mince affaire. Ce n’est pas un truc que l'on fait sur ses week-ends. Il faut un plan. Pour l'instant, on n'en a pas.
C'est la possibilité d'utiliser facilement une composition, des bus express, redonner la priorité au train, faire en sorte qu'il soit facile d'utiliser un vélo électrique pour aller prendre un bus ou pour aller faire du covoiturage. Ce n’est pas possible partout, mais il y a un gros morceau du chemin qui est faisable en une dizaine d'années en mettant de l'argent sur la table. On ne parle pas de ligne TGV ou d'autoroutes. C'est beaucoup moins cher que ça.
Au final, la démonstration qu'on a pu faire au Shift Project, c'est que vous permettez aux gens d'avoir des temps de transport équivalents, bien souvent d'avoir les mains libres, car ils ne sont pas au volant, et puis d'économiser potentiellement sur leur budget de mobilité. Cela ne coûte pas forcément très cher. Et en plus, au final, vous permettez aux gens de continuer à se déplacer librement et éventuellement, dans bien des cas, d'économiser de l'argent.
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