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Plan social chez PSA : la marche arrière de François Fillon

L'ex-Premier ministre a admis, jeudi sur France 2, que Nicolas Sarkozy avait repoussé l'annonce des suppressions de postes après l'élection. Mais vendredi, il a dénoncé une "mauvaise interprétation" de ses propos. 

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'ex-Premier ministre François Fillon et le patron de PSA, Philippe Varin, le 11 juin 2011 dans une Peugeot RCZ, aux 24 heures du Mans. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

PSA – Nicolas Sarkozy a-t-il laissé des cadavres dans les placards de l'Elysée ? Invité de "Des paroles et des actes" avec Jean-François Copé, jeudi 25 octobre, l'ex-Premier ministre François Fillon a admis que Nicolas Sarkozy avait "demandé qu'on repousse le plan social" à PSA. Avant de rétropédaler le lendemain. La gauche accuse les gouvernants d'hier d'avoir repoussé le plan social pour ne pas en payer le coût politique. Retour sur les circonvolutions de la droite.

1 12 juillet : le plan social est annoncé

Le 11 juillet, Michel Sapin, ministre du Travail depuis moins de deux mois, est soucieux. Il y a "des mauvaises nouvelles qui vont être annoncées", dit-il sur France Inter. Le lendemain, PSA doit se réunir en comité extraordinaire. A la clé, un vaste plan de suppression de postes : 3 000 en moins à l'usine d'Aulnay, 1 400 à Rennes, 702 à Poissy, 579 à Sochaux... En tout, 8 000 postes doivent disparaître. Le lendemain, le président du directoire de PSA, Philippe Varin, expliquera qu'il mesure "pleinement la gravité [de ces] annonces, ainsi que le choc et l'émotion qu'elles provoquent dans l'entreprise et dans son environnement".

Mais ce qui agace le ministre, à la veille de cette annonce, c'est le sentiment de s'être fait duper. "Pourquoi est-ce qu'elles n'ont pas été annoncées il y a quatre mois ou cinq mois, ou six mois, d'ailleurs ? Il y a quelque chose qui m'échappe." Il se fait plus précis : "Je pense que vous avez remarqué que M. Varin avait été plusieurs fois convoqué dans le bureau de Nicolas Sarkozy. Vous pensez que c'était pour parler du nouveau modèle qui allait sortir chez Citroën ou chez Peugeot ? Non, c'était pour parler de ces sujets-là, en lui disant : 'tu verras ça plus tard'". En clair : l'annonce d'un plan social n'aurait pas fait les affaires du président en campagne.

Les écolos emboîtent le pas du ministre. "Les pouvoirs publics n'ont pas pris la mesure de la difficulté. Ils n'ont pas anticipé, ils n'ont pas vu l'avenir", déplore Pascal Durand, secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts. 

2Mi-juillet : la droite, attaquée, s'offusque

Mais la droite n'entend pas se laisser marcher sur les pieds ainsi. "On a des mesures à prendre dès maintenant, des mesures d'avenir également à prendre", propose Xavier Bertrand, qui occupait le siège de Michel Sapin jusqu'à peu.

De l'autre, Jean-François Copé, offensif, parle de "polémique ridicule". "Ça n'a aucun sens. PSA est une entreprise privée. Je ne vois donc pas du tout quel pouvoir particulier l'Etat pourrait avoir en la matière". Il conclut : "Ça ne sert à rien de sortir l'arme lourde à chaque fois qu'il y a un problème parce que c'est plus facile de taper sur Nicolas Sarkozy ou sur notre ancienne majorité plutôt que d'assumer maintenant les décisions à prendre."

3Mi-septembre : la polémique ne prend pas

La polémique aurait pu en rester là. Certes, le rapport de l'expert gouvernemental, Emmanuel Sartorius, commandé mi-juillet et rendu deux mois plus tard, reproche à la direction d'avoir tardé à prendre les mesures adéquates. L'expert souligne que "l'histoire aurait probablement pu être écrite de façon différente si la direction de PSA avait entamé en amont un dialogue transparent avec les partenaires sociaux et les pouvoirs publics". Mais le débat se concentre sur le fond du rapport, qui conclut à la nécessité de restructurer PSA.

Encore une fois, quand Camille Pascal, plume de Nicolas Sarkozy, publie début octobre l'ouvrage Scènes de la vie quotidienne à l'Elysée, racontant un étonnant coup de fil du président au patron de PSA, l'anecdote passe presque inaperçue :  "J'apprends aujourd'hui l'existence d'un plan social que vous devez annoncer demain. Demain !" (...) "Cessez donc de me raconter n'importe quoi" (...). "Vous êtes comptable devant vos actionnaires, mais moi je suis comptable devant les Français", a déclaré le président, selon un extrait du livre publié par Midi Libre. Camille Pascal interprète : "Le lendemain, lorsque j'entendis à la radio les explications aussi embrouillées qu'embarrassées du patron de Peugeot qui semblait revenir sur son projet, je me dis alors que l'intervention musclée du président n'avait pas été vaine."

425 octobre : Fillon se piège lui-même

Après avoir évité les obstacles, François Fillon se prend seul les pieds dans le tapis. Sur le plateau de France 2, la journaliste Hélène Jouan lui ressort l'anecdote du livre, expliquant qu'on y apprend que "l'annonce du plan social pour Peugeot a été repoussé après l'élection". En l'écoutant, le sourire de Fillon s'efface légèrement, et l'ancien Premier ministre rétorque : "C'est absolument faux ce que vous dites, on a un président de la République qui ne veut pas, effectivement..." Il bafouille un peu, se reprend : "Qui n'est pas d'accord (...). Mais il ne demande pas qu'on repousse l'annonce, il demande qu'on repousse la plan social, ça ne revient pas du tout au même."

Patatras ! Xavier Bertrand tente un premier rétropédallage, vendredi 26 octobre sur RTL : "Je n'ai pas le même souvenir." Suit un communiqué de Fillon dénonçant "les interprétations erronées" de ses propos de la veille. Qu'on ne s'y trompe pas, Nicolas Sarkozy n'a "pas demandé qu'on repousse l'annonce du plan social, mais que tout soit tenté pour l'éviter". Bref, il aurait assumé son rôle de chef d'Etat.

Trop tard, le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, parle d'un "terrible aveu". Et Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, de dénoncer le "cynisme absolu", du gouvernement précédent à "la recherche de l'intérêt électoraliste pur et à court terme".  Elle ajoute : "Retarder le plan social lui-même, ça veut dire que les difficultés de trésorerie s'accumulent, ça veut dire que le plan social du coup n'en est que plus important, donc c'est extrêmement grave".

526 octobre : les syndicats comptent les points

Interrogé par francetv info vendredi, Bertrand Rakoto, consultant et analyste automobile chez R.L. Polk, qui jugeait lors de l'annonce du plan social que "l'usine d'Aulnay aurait dû fermer plus tôt", est plus nuancé. "Ça ne change pas l'étendue de la crise chez PSA, ce ne sont pas les deux ou trois mois de report qui ont changé le contenu du plan de restructuration, c'est plus une question de calendrier politique", juge-t-il. Car de toute façon, dans l'industrie automobile, "chaque décision prend beaucoup de temps, cela tient à la nature du produit".

A l'écart de la joute politique, les syndicats comptent les points. "Que Sarkozy ait demandé de repousser le plan social, ce n'est pas une nouvelle du tout", commente Christian Lafaye, délégué PSA FO. Désabusés, les salariés savaient, depuis juin 2011, alors que la CGT avait fait circuler un document interne, que la fermeture d'Aulnay était dans les tuyaux. En juillet, un salarié confiait : "Pendant un an, on nous a pris pour des idiots, on nous a menti."

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