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Y a-t-il un médecin dans l'avion ?

La question est posée 350 fois par jour dans le monde. Mais les médecins, quand ils sont à bord, rechignent parfois à intervenir.

Article rédigé par Floriane Louison
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Dans près de 80% des cas, un médecin répond à l’appel de l’équipage. Restent deux avions sur dix sans blouse blanche à bord. (GETTY IMAGES)

"Y a-t-il un médecin dans l'avion ?" La question serait posée en moyenne 350 fois par jour dans le monde, selon le Journal international de médecine (article abonnés). En cas d'incident, les compagnies aériennes misent sur la présence fortuite d'un médecin à bord. Mais ces derniers, quand ils sont présents, rechignent parfois à intervenir.

Deux avions sur 10 sans médecin

En France, les compagnies aériennes n'ont pas l'obligation légale de voler avec du personnel soignant. Pourtant, les incidents médicaux en vol ne sont pas rares. "Résident en Guadeloupe, je voyage fréquemment sur les vols commerciaux réguliers Air France, et il m'est arrivé à plusieurs reprises d'intervenir", témoigne Paul Chevauchée, comme beaucoup d'autres praticiens, sur le site du Quotidien du médecin. Selon une étude rendue en 2010 par le Centre national d'études spatiales (Cnes), un incident médical survient tous les 20 000 passagers. 

En fait, les compagnies aériennes misent sur les statistiques. Car dans près de 80% des cas, un médecin répond à l’appel de l’équipage, explique un responsable d'Air France joint par FTVi. Restent deux avions sur dix sans blouse blanche à bord. 

Un équipage formé au secourisme

Si les toutes premières hôtesses de l'air étaient des infirmières, aujourd'hui, "nos pilotes, comme le personnel de bord, sont formés au secourisme", explique le même employé d'Air France. L'équipage a dans la poche un diplôme de secourisme, le certificat de formation à la sécurité. Du matériel médical est aussi à sa disposition. Air France a notamment équipé ses avions de défibrillateurs, en cas d'arrêt cardio-respiratoire, par exemple. Et si besoin, l'équipage peut toujours appeler le Samu ou un autre référent au sol pour recevoir des instructions.

Mais si l'incident est trop sérieux, il reste une ultime solution : le déroutement. Entre 2004 et 2010, Air France a dérouté 213 avions pour cette raison, assure un médecin conseil d'Air France, Patrick Rodriguez, sur Camip.info. Une décision plus sûre, notamment en cas d'accident vasculaire cérébral (AVC). Même si "globalement, a posteriori, 40% des déroutements se révèlent injustifiés", affirme l'expert. D'autant que d'après l'étude du Cnes, dérouter un Airbus A380 coûte 250 000 euros à la compagnie.

Souvent des problèmes bénins

Une crise d'asthme, un problème d'estomac, un rhume qui se réveille en altitude : la plupart des incidents en vol sont bénins, assure Patrick Rodriguez. Les variations de pression dans la cabine peuvent aussi provoquer des douleurs aux sinus, aux oreilles, sans oublier que certains passagers sont stressés en avion… Rien de bien grave.

Mais quelques incidents fulgurants sont redoutables à 10 000 mètres de la terre : AVC, embolie pulmonaire, arrêt cardiaque… Et, c'est plus rare, mais le pilote aussi peut tomber malade. C'est ce qui arrivé à F.K., qui raconte son expérience dans Le quotidien du médecin : "Alors que l’on passait au dessus de la Méditerranée, on demande un médecin. Après quelques secondes d’attente, je me lève. L’hôtesse de l’air me dit le plus discrètement possible qu’il s’agit du… pilote !" 

Les médecins de plus en plus réticents à intervenir

Pas vu, pas pris. Quand l'équipage lance un appel, certains médecins hésitent à se manifester. "Quand je suis en vacances, je n'ai pas du tout envie de travailler",explique un généraliste à Lyon, interrogé par FTVi. "Ce qui inquiète aussi beaucoup les médecins, c'est que ça leur retombe dessus."

Il cite les Etats-Unis, où un médecin s'est retrouvé devant le tribunal pour avoir fait dérouter un avion alors que l'état de santé du passager malade ne le nécessitait pas, ont jugé les experts de la compagnie. "Si on intervient et qu'il y a un pépin, on risque gros", explique Paul Chevauchée dans son témoignage. En vol, les médecins sont effet toujours soumis à une responsabilité pour faute : délit de blessure ou d'homicide par imprudence, mise en danger de la vie d'autrui… "Mais si on intervient pas, on est coupable de non assistance à personne en danger", rappelle-t-il. Un délit puni en France de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Champagne ou billet offert

Pour que les médecins ne craignent plus de se manifester quand l'équipage pose la fameuse question, certaines compagnies les protègent contre d'éventuelles poursuites. "En tant que médecin traitant, vous bénéficierez d’une protection juridique (…) au cas où un passager soigné intenterait des poursuites à votre encontre", explique Lufthansa sur son site. La compagnie allemande offre également 5 000 S'miles (un programme de fidélité) à qui déclarerait sa qualité de médecin avant d'embarquer.

D'autres préfèrent remercier les volontaires "en nature". "Je n'ai pas pu finir ma nuit, mais j'ai été invité par le commandant dans la cabine de pilotage pour assister à l'atterrissage avec une coupe de champagne", raconte un praticien marseillais dans Le quotidien du médecin"Six mois plus tard j'ai reçu un aller-retour pour New York en guise de remerciements", témoigne un confrère.

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