Chapon, couscous ou kangourou : pour Noël, quel réveillonneur êtes-vous ?
Le budget consacré à Noël a baissé de 0,9% en 2013 mais le budget repas augmente quant à lui de 2%, à 175 €. Mais tous les réveillonneurs ne sont pas égaux devant leur assiette.
Dans un monde parallèle, les dindes fêtent Noël en mangeant de la cuisse d’humain. Dans la vraie vie, les homo sapiens sapiens s’éclatent la panse : chapon, foie gras, bûche glacée, saumon, chocolat, crème de marron, purée artisanale, petits fours, escargot, champagne, vin blanc, vin rouge, bière de Noël... Faites votre choix. Ou comme dans certaines familles, ne le faites pas et, faute de savoir trancher, avalez l’équivalent d’un buffet d’entreprise en cinq heures.
Pourtant, les histoires familiales et les prédispositions de chacun à braver un tsunami de cholestérol façonnent le repas de Noël : si les Britanniques et les Américains s’en tiennent souvent au menu traditionnel (oie et pudding pour les premiers, dinde et lait de poule pour les seconds), les Français, ces gastronomes, ne sont pas égaux devant leurs assiettes. Francetv info est allé regarder ce qui se mijote dans vos casseroles.
1Vous êtes "tradi"
Si vous mangez au moins trois des aliments suivants lors du repas de Noël : du foie gras, du saumon, une volaille (chapon, dinde, etc.), une bûche, des fruits de mer, un gibier au choix (hors kangourou). Et buvez du champagne.
"Pour savoir ce que les Français mangent le soir de Noël, il suffit de regarder ce qui s’écoule le mieux dans les magasins : quasiment partout, nous retrouvons le foie gras, la volaille et la bûche, souvent glacée", explique l’ethnologue Martyne Perrot à francetv info. Les chiffres ne mentent pas : la France, qui réalise 77% de la production mondiale de foie gras, en écoule 70% de son stock pendant les trois premières semaines de décembre, selon les chiffres publiés en 2011 par LSA, une publication spécialisée dans la distribution. Le saumon, lui, n’est plus un mets d’exception. Cependant, la période des fêtes constitue toujours "une petite moitié du débit annuel", a rappelé le ministère de l’économie dans sa "brochure pour des fêtes réussies".
Huîtres, caviars et autres fruits de mer voient leur prix flamber à mesure que le père Noël approche, tandis que d’autres "classiques", comme la dinde, se sont fait voler la vedette ces dernières années. Car la tradition ne cesse d’évoluer, explique Martyne Perrot dans son livre Faut-il croire au père Noël ?. "Avant que la dinde et la bûche n’apparaissent au 19e siècle en ville et ne se diffusent dans toute l’Europe, c’est le porc qui constituait à la campagne le mets festif principal sous forme de rôti ou du fameux 'boudin de Noël'." Rapportée d’Amérique par Christophe Colomb, la dinde, "trop sèche", n’a pas résisté à l’exigence des foyers français, raconte l'ethnologue.
Compatible avec Noël ? Vous perpétuez la tradition, fidèle à l'esprit de Noël. Quitte à vous faire un peu arnaquer (désolée). L’inconvénient de cette sensibilité "tradi" réside dans le porte-monnaie. "Les prix des mets de Noël augmentent de 100% en décembre, déplorait le chef Yves Camdeborde, interrogé en décembre 2012 par Libération. Les Français acceptent de se faire voler parce qu’ils pensent que manger des huîtres ou du saumon va les classifier socialement." Mais cela fait aussi partie du folklore, note Martyne Perrot. Au début du XXe siècle, les mères de familles modestes déposaient leurs biens "aux clous" pour offrir à leur famille ce repas magique. La consommation de denrées alimentaires augmente de 12% à Noël, selon l’Insee. En boucherie, cette hausse atteint même les 21%. Ce qui, en plus du budget cadeaux, peut vous faire mal. Et pas qu’au ventre.
2 Vous êtes "audacieux"
Si vous mariez un des produits traditionnels avec un des plats suivants : kangourou, choucroute, raclette, couscous, rougail saucisse, fondue savoyarde, carbonnade flamande, bo bun, etc.
"Le côté 'tradition' m’échappe complètement, explique Nicolas, un Lyonnais de 28 ans. Je crois même n'avoir jamais mangé de dinde aux marrons à Noël alors que des repas créoles ou chinois, on en a fait un paquet, grâce à une partie de ma famille qui a longtemps vécu à La Réunion", se souvient-il. Et sa famille n'a rien d'atypique : "Pour les Français, ce qui compte c’est de bien manger, ou du moins de faire un effort pour manger quelque chose de plus élaboré que d’habitude", explique Martyne Perrot. En France, elle observe un effort en cuisine "sans doute plus prégnant que dans les autres pays", explique-t-elle. Quitte à sortir des sentiers battus. "Chez nous, la tradition, c'est raclette de Noël", confirme Marion, pas savoyarde, mais nordiste, tandis que Martin assure connaître des réveillonneurs adeptes de la choucroute.
Quand le père de Julie a servi un couscous le 24, sa première réaction a été "de demander 'pourquoi ?'" : "Le couscous, tout le monde aime ça, alors pourquoi s'en priver ? Et puis c'est pratique", a répondu son père. "Chacun fait ce qu'il veut."
Compatible avec Noël ? Oui à l’audace. Non à la dictature culinaire. Quitte à faire comme Sidonie, Française expatriée à Londres et en couple avec un Argentin qu'"il faudrait payer très, très cher pour venir faire Noël en France". A Buenos Aires où elle passe les fêtes de fin d'année, "on fait griller un bout de viande, on ajoute de la salade, des tomates et hop, c'est tout". Juste, veillez à ne pas basculer du côté de l’hérésie ou de l’incongruité. "Saumon en entrée, couscous puis bûche glacée, ça faisait un savoureux mélange dans le bide", se rappelle Julie. "Cela dit, tous ces mets étaient très bons et plaisaient aux invités. Je pense que c'est là où mon père voulait en venir".
3Vous êtes "différent"
Si vous mangez des plats à base de quinoa, de chèvre, d’aubergine, un "rôti de légume", une tourte, du tofu, des pâtes, du "faux gras", une alternative végétale au foie gras, ou rien (volontairement).
A Noël, pas facile de maintenir ces principes face à la pression sociale. Surtout quand vous ne mangez pas comme les autres membres de votre famille. Boycotter le très polémique foie gras n'est pas un acte de désobéissance civile en soi, mais refuser poliment de toucher au chapon ou aux légumes non-bio sans vexer son hôte ou surprendre ses invités peut s'avérer périlleux. Décliner la bûche, bien trop riche pour votre régime, ou refuser le moindre verre de champagne, incompatible avec votre hygiène de vie ("Alleeeeez, c'est Noël", vous dira-t-on même si vous vous remettez d'un infarctus du myocarde) ou votre religion ? Idem. Tenez bon ! Les parents de Marine, 24 ans, végétarienne, s'adaptent. "Je sais qu'ils vont prévoir pour chaque plat quelque chose que je peux manger. Mais le repas ne sera en aucun cas végétarien : les autres mangeront leur foie gras, leur saumon, etc.", explique-t-elle. "Par contre, chez mes grands-parents, je n'ai aucun espoir. Ce n'est pas de la mauvaise volonté mais vraiment de l'incompréhension ou alors ils oublient, tout simplement. L'an dernier j'avais apporté de quoi manger avec moi au cas où." Sinon, "pour le plat principal, je mange ce qu'il y a en accompagnement et en général, ça me suffit", indique la jeune femme qui ne conçoit pas d'imposer son choix à ses proches.
Compatible avec Noël ? Bien sûr, tant que tout le monde s'y retrouve. "Dans le passé, il y a eu des débats houleux à table, mais plus maintenant. Je ne fais plus de prosélytisme alimentaire à table !", explique Alex, trentenaire lillois, également végétarien. Et lorsqu'il est à la cuisine, pas question de transiger, ni de décevoir : "Je prépare surtout des repas végétariens, asiatique ou indien. En général, ça contente tout le monde." C'est l'essentiel.
4Vous êtes "pragmatique", prompt à défier la lose
Si vous mangez des pâtes au thon, un burger, des cordons bleus, de la purée Mousseline, du riz nature, des rollmops, un pot de glace, des Curly (en plat de résistance), une pizza ou rien (involontairement).
Dans le classique américain de 1983, A Christmas Story, le chien de la famille Parker dévore la dinde. Dans la vraie vie, les imprévus et les galères testent régulièrement les limites de l'esprit de Noël. Nicolas, le Lyonnais, a connu des Noëls gastronomiques et des Noëls "gastro" tout court. Depuis, il sait que l'essentiel est de s'adapter à la situation : "une fois, toute la famille était malade, on n'a rien pu avaler d'autre que du riz pendant pratiquement une semaine". Réveillon inclus. "Noël au riz et aux carottes, sans aller jusqu'à dire que j'étais déçu, c'était assez spécial quand même. Sur le coup, on n'était pas super joyeux", reconnaît-il, sans savoir si "cela venait du fait qu'on n'a pas pu se faire un vrai repas, ou du fait qu'on était tous malades comme des chiens." "Sinon, j’ai déjà fait un Noël chez McDo parce que je travaillais", ajoute-t-il.
Compatible avec Noël ? Avec Noël, pas vraiment. Avec la réalité, oui. Car n'en déplaise à Pierre Desproges, Noël ne signifie pas toujours "saluer l'évènement du Christ en ingurgitant, à dose limite avant éclatement, suffisamment de victuailles hypercaloriques pour épuiser en un soir le budget mensuel d’un ménage moyen". Quant à la famille Parker, privée de dinde, elle se rabat sur un restaurant chinois (la scène est un peu raciste, mais personne ne peut nier que la famille prend un certain plaisir). Une bûche, des nems... Vous êtes ouverts d'esprit. A Noël, ça compte aussi !
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