Concours Lépine : quatre conseils pour devenir inventeur
Ils ont peut-être eu "l'idée du siècle". Francetv info est allé à la rencontre des participants à l’édition 2014 du concours Lépine. Ils vous livrent quatre conseils pour suivre leurs traces.
Pour ses cartes de visite, Denis Fritsch hésite encore. "Je me demande ce que je vais écrire dessus… Inventeur, peut-être ?" A 44 ans, l’homme n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Dans les allées de la foire de Paris, où il participe au concours Lépine, il est venu cette fois-ci présenter Ofyl, un range-écouteurs intelligent. Mais il explique avoir déjà conçu un modèle de bateau à voile légère, qui n’a pas vu le jour, et un objet pour se caler le dos à la plage, aujourd’hui disponible à la vente. "C’est peut-être dans les gènes, explique-t-il. Je ne suis pas le premier dans la famille : mon grand-père a inventé la machine à corder les raquettes."
Comment suivre ses traces ? Si vous êtes vous aussi inspirés et si vous pensez avoir "l'idée du siècle", francetv info vous livre le guide du parfait inventeur en quatre étapes.
1 Savoir exploiter ses expériences personnelles
Avant toute chose, il faut avoir une idée, si possible une bonne. Si, dans le cas de Denis, l’inventivité a peut-être été transmise de génération en génération, pour beaucoup de participants, le projet a germé à la faveur de leurs histoires personnelles, voire même d’accidents de la vie. "Je me suis sectionnée le bras avec une scie circulaire et j’ai été immobilisée pendant deux ans et demi", raconte Rita Basile, 48 ans. Impossible pour cette femme, originaire de Grasse (Alpes-Maritimes) de s’alimenter facilement. De ce constat, elle en tire une idée, celle de créer Handiplat, "un plateau repas pour les gens qui n’ont plus qu’un bras ou une main". Quatre prototypes plus tard, la voilà maintenant en train de vendre son produit.
Sur le stand voisin, Guilbaut Colas vient tout juste de se lancer, lui aussi fort de son expérience personnelle. Ce champion du monde de ski de bosses a arrêté sa carrière après une rupture des ligaments croisés à l’entraînement aux Jeux olympiques de Sotchi (Russie), en février 2014. Une énième blessure qui lui permet désormais de se concentrer sur son produit, ActiveBase, avec son ami et associé Olivier Hugou. ActiveBase est une sorte de tabouret instable, destiné à adopter une posture plus saine et à stimuler ses muscles lorsqu’on est assis. "L’idée est venue il y a un an et demi, raconte-t-il. J’ai eu des problèmes de dos et Olivier a conçu cet appareil pour ma rééducation."
2 Etre imaginatif, mais canaliser ses idées
A côté des nouveaux venus, il y a les professionnels de l’invention. Daniel Jeandot fait partie de ceux-là : il parle avec fierté de ses diplômes du concours Lépine, qu’il a utilisés pour tapisser les cloisons de son petit stand, résultats d’une imagination prolixe : "Je suis très observateur, j’ai une idée dans la journée, je me réveille et je dessine."
Toutes ces idées ne deviennent pas pour autant des inventions. Avec sa gouaille naturelle – les restes de son expérience dans la restauration, explique-t-il –, il harangue les passants pour présenter sa dernière réalisation, avec un discours bien rodé : "J’ai inventé une fourchette dans une cuillère." Une fourchette incurvée qui permet aux enfants, aux personnes âgées ou aux malades de ne pas éparpiller leur nourriture. Au-delà de son discours, le visage de cet homme de 57 ans ne passe pas inaperçu dans la foule : certains visiteurs se souviennent de l’une de ses autres créations, le papier toilette de poche, qu’il a présenté à la télévision en 2012, lors d’un concours d’inventeurs organisé par M6.
Attention, car pour certains, la créativité confine à la folie des grandeurs. A 55 ans, Bakkour Kattan se surnomme "l’inventeur de Nancy", se targue d’avoir "1001 inventions" à son actif, et se plaint de ne pas avoir pu en présenter davantage cette année au concours Lépine. Il met en avant son "tajine multi-compartiments", qui permet de cuisiner plusieurs plats en une seule fois, mais se lance rapidement dans un catalogue de ses idées passées, présentes et futures. Il évoque ses grands projets pour le prochain concours, s’imagine par exemple installer des éoliennes dans les tunnels de métro, ou créer un réseau social pour "remplacer Facebook et Le Bon Coin". Rien que ça.
3 Travailler, travailler, travailler
Au-delà de la bonne idée, pour devenir inventeur, tous sont unanimes : il faut une sacrée dose de persévérance et de confiance en soi, car lancer un projet demande un investissement conséquent en termes de temps, mais aussi d’argent. Rita Basile dit avoir déjà dépensé environ 40 000 euros pour son plateau repas. "Moi, j’étais au chômage quand j’ai commencé, alors les portes se sont refermées sur moi, affirme-t-elle. Il y a bien des fois où j’ai voulu tout arrêter, mais aujourd’hui, je travaille à temps plein sur mon projet : je fais de la prospection téléphonique le matin et l’après-midi je bouge partout, je démarche, je cours les salons…"
Concrétiser son projet peut demander plusieurs années. Jules Hotrique, "musicien et mathématicien", a conçu le Dualo. Avec son look d’accordéon des temps modernes, cet instrument de musique numérique a été pensé pour faciliter l’apprentissage, grâce à une nouvelle disposition des notes. "C'est l’instrument du XXIe siècle" se vante son concepteur, mais son Dualo n’a pas encore percé. Le chemin est long : l'idée est née en 2007, le premier prototype a été fabriqué en 2008, le brevet déposé en 2009. Pourtant, le produit ne sera commercialisé que dans quelques mois, d'ici à la fin 2014, le temps de régler encore "des bugs", confesse Jules. "J’ai mis plein de prototypes à la poubelle, j’y ai passé mes jours et surtout mes nuits, explique-t-il. Mais malgré tout ça, il n’y a pas un seul moment où je me suis dit que j’étais fatigué, au contraire, je kiffe."
4 Rester modeste
Aucun des inventeurs rencontrés sur le salon ne dit vouloir être riche, tous vantent leur "passion", affichent leur "satisfaction personnelle" face aux retours enthousiastes de leurs proches et des visiteurs. Les plus aguerris rappellent que pour devenir "inventeur", il faut aussi savoir ne pas trop s’enthousiasmer, au risque, sinon, d’y laisser ses économies. C’est cette philosophie qu’a adoptée Yann Lohézic.
A 44 ans, ce père d’un garçon de 7 ans, a conçu le Kiddult, un parapluie à double manche : un pour le parent, un pour l’enfant. Entre deux emplois, l’homme se donne six mois pour voir si l’idée peut percer. En attendant, il a déjà investi 1 500 euros et dit gérer son affaire en "bon père de famille". "J’y vais pas à pas, je n’ai pas la naïveté de me dire que j’ai eu l’idée du siècle qui va me rendre millionnaire, assure-t-il avec le sourire. Mon fils adore ça et me pousse, ma femme me dit : 'piano piano'." A côté de lui, son père, qui se présente comme son "stagiaire", veille au grain. Pas question d'abandonner Yann à l'heure où, rigole-t-il, il vit sa "crise de la quarantaine" en devenant inventeur.
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