Médicaments : les pharmaciens confrontés à des ruptures de stock quotidiennes
C'est le constat de l'Académie de pharmacie, qui explique que les officines sont dans la "débrouille".
"Tous les jours, il nous manque un ou plusieurs médicaments, et le plus étonnant, c'est que cela peut toucher n'importe quel type de médicaments. Un jour, il s'agit d'un vaccin, le lendemain, d'un antibiotique ou d'un psychotrope", explique Philippe Liebermann, pharmacien à Strasbourg et vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Mercredi 20 mars, l'Académie de pharmacie a alerté (PDF) sur ce phénomène inquiétant.
Les pharmaciens de ville face à des ruptures de stock
Anticancéreux, anticoagulants, vaccins… Chaque jour, 5% des médicaments commandés par les pharmaciens de ville sont en rupture de stock. Dans la moitié des cas, ces indisponibilités dépassent les quatre jours, selon l'Académie.
Face à cette situation, les pharmaciens de ville sont "dans la débrouille", admet Philippe Liebermann. "On peut contacter un autre grossiste ou une autre pharmacie pour tenter de récupérer le médicament, ou demander au médecin de changer sa prescription" détaille-t-il.
Les pharmacies hospitalières également touchées
Les pénuries concernent également les pharmacies hospitalières, seules habilitées à dispenser les traitements les plus lourds, dont les chimiothérapies. "On essaie toujours de trouver une solution de substitution, mais parfois cela peut prendre un peu de temps", indique Jean-Michel Descoutures, un pharmacien hospitalier qui préside le Club des acheteurs de produits de santé (Claps).
Il ne cite aucun cas de décès lié à une rupture de stock, mais reconnaît que le changement de traitement peut avoir des conséquences importantes pour le patient, notamment des effets indésirables.
L'Académie de pharmacie dénonce également l'abandon de certains médicaments jugés peu rentables par les fabricants, comme des antibiotiques ou anticancéreux injectables utilisés exclusivement à l'hôpital. Elle préconise donc de revaloriser leur prix, après évaluation de leur intérêt par les autorités sanitaires.
Une dépendance aux approvisionnements à l'étranger
Pour l'Académie de pharmacie, ces pénuries sont le résultat de blocages à tous les stades de la chaîne du médicament. A commencer par des difficultés d'approvisionnement en matières premières pharmaceutiques, d'autant plus difficiles à compenser que 60 à 80% des principes actifs sont aujourd'hui fabriqués hors d'Europe, principalement en Inde et en Chine (contre 20% il y a trente ans).
Pour éviter cette dépendance, l'Académie préconise "d'engager une politique volontariste de relocalisation" de la fabrication des principes actifs jugés "stratégiques" et "indispensables à la santé publique". Sont notamment visés les principes pour lesquels il n'existe qu'un seul fabricant mondial.
Trop d'exportations de médicaments "nécessaires"
De la même manière, l'Académie préconise d'interdire l'exportation des médicaments sans équivalent thérapeutique "nécessaires aux besoins nationaux". Le but : éviter que ceux-ci ne soient vendus à l'étranger, où les prix sont en général plus élevés qu'en France, donc plus intéressants pour les fabricants.
Dans un décret de septembre 2012 sur la prévention des ruptures d'approvisionnement en médicaments, le gouvernement avait déjà prévu l'obligation de couvrir les besoins des patients français, mais sans mentionner explicitement les exportations.
Des interrogations sur la qualité des matières premières
L'Académie s'inquiète également de la qualité des matières premières actives importées. Elle propose donc la mise en place d'un répertoire européen pour recenser tous les sites de fabrication et de contrôle, avec l'historique des ruptures d'approvisionnement et des inspections.
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