Vingt têtes maoris restituées à la Nouvelle-Zélande
Le pays du long nuage blanc
Le son grave et vibrant d'une trompe en coquillage retentit dans le grand amphithéâtre du musée du Quai Branly. Soufflant et tirant la langue, un jeune guerrier maori vêtu seulement d'un pagne végétal descend les marches en brandissant une longue épée-massue de bois.
Chantant en choeur, la délégation néo-zélandaise venue recueillir solennellement les restes sacrés de ses ancêtres investit alors la scène et des femmes coiffées de couronnes de feuilles viennent s'asseoir aux quatre coins d'un lit mortuaire couvert de fougères.
"Vous êtes le souffle de la vie, vous, nos ancêtres! Vous avez été en France depuis si longtemps, et aujourd'hui, nous allons pouvoir vous ramener chez vous, en Aotearoa", le "pays du long nuage blanc", nom maori pour la Nouvelle-Zélande, lance Derek Lardelli, "aîné maori" qui conduit la cérémonie de remise des "toï moko".
Triste négoce
Les Maoris, comme de nombreuses autres sociétés océaniennes, conservaient religieusement les crânes séchés de leurs ancêtres, coupant également parfois
la tête de leurs ennemis prestigieux en guise de trophées. Leur art consommé de la momification et surtout les impressionants tatouages ornant les visages des maoris avaient suscité un très vif intérêt de la part des explorateurs ayant abordé en Nouvelle-Zélande. En 1769, le Britannique James Cook, premier occidental à débarquer chez les Maoris, aurait ainsi échangé l'une de ces fascinantes têtes contre un vieux caleçon.
Très vite, la curiosité suscitée par ces reliques donnèrent lieu au développement d'un véritable commerce avec les Maoris, qui voyaient là l'occasion d'obtenir des objets européens, notamment des armes à feu. Le gouvernement britannique aura beau interdire ce sinistre négoce dès 1831, le trafic se poursuivra illégalement bien au-delà de cette date, disséminant des centaines de têtes coupées dans différents pays d'Europe.
"Peu importe comment vous êtes arrivés dans cette terre étrangère (...) merci au peuple français. Aujourd'hui, les ancêtres vous sourient pour nous avoir permis de vous ramener", proclame Derek Lardelli. Il déposera ensuite des petits sachets renfermant de cadeaux aux pieds du ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, et des responsables des divers musées français qui ont conservé les têtes pendant près de 200 ans.
"Les 20 têtes identifiées en France sont remises à la Nouvelle-Zélande au musée Te Papa, elles ne sont plus désormais des objets de collection mais seront entreposées dans un lieu sacralisé", s'est réjoui à son tour Frédéric Mitterrand, saluant la loi de mai 2010 ayant permis cette restitution.
Toï moko
Les "toï moko" arriveront au musée Te Papa ("notre lieu" en maori) de Wellington le 26 janvier, où une grande cérémonie sera organisée en présence du roi Tuheitia Paki pour célébrer leur retour au pays.
Grâce aux archives historiques, l'abondante tradition orale maorie et les experts en tatouages, qui ont chacun leur signification et retracent l'histoire personnelle unique de leur porteur, Te Papa tentera de retrouver la communauté d'origine des ancêtres rapatriés.
Les têtes étant sacrées, aucun test ADN n'est prévu dans l'immédiat pour identifier leur famille. Selon Te Papa, quelque 200 "toï moko" ont été restituées par 14 pays mais on estime que plus de 500 autres attendent encore leur retour dans diverses institutions européennes.
Les anthropologues s'inquiètent toutefois de l'impossibilité d'élargir leurs études suite à la disparition de ce patrimoine mis jusqu'alors à leur disposition.
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