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Le "Top 50", Tintin à la télévision, "l'infotainment" à la française... Trois choses que l'on doit à Philippe Gildas

En mêlant le rire à l'information, le journaliste et animateur a "créé la vision à 360 degrés du journalisme audiovisuel", selon Michel Denisot.

Article rédigé par franceinfo - Juliette Campion
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Les animateurs Philippe Gildas (G) et Antoine de Caunes lors d'une édition spéciale du "Grand Journal", le 4 novembre 2004 sur le plateau de Canal+, à l'occasion des vingt ans de la chaîne.  (FRANCK FIFE / AFP)

"Philippe Gildas est l'un des très rares à avoir été un grand journaliste, un grand animateur, un grand patron, un vrai créateur." Sur franceinfo, Michel Drucker a rendu un hommage appuyé au journaliste Philippe Gildas, mort dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 octobre, des suites d'un cancer. A la jonction permanente entre information et divertissement, il a participé à l'émergence de "l'infotainment" en France, mais a aussi créé le mythique "Top 50".

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Avec sa société de production, il est également à l'origine de l'adaptation en dessins animés de plusieurs personnages de bandes dessinées comme Babar mais aussi Tintin, "son coup du siècle" comme il l'a qualifié par la suite. Franceinfo revient sur ce que l'on doit au très éclectique Philippe Gildas. 

Le "Top 50"

Dans un tweet en hommage à Philippe Gildas, le producteur de musique Pascal Nègre rappelle que le journaliste a créé le "Top 50", la première émission de mesure des ventes de disques en France, "qui révolutionnera la filière musicale"

L'idée est venue en 1983 à Philippe Gildas, deux ans après sa nomination comme directeur d'antenne d'Europe 1. La station, centrée sur l'information, est alors concurrencée par les radios musicales. "Je ne voulais pas leur donner le loisir d'écraser avec une programmation 100% musicale. Europe 1 avait un savoir-faire sur l'info. Le 'Top 50' a utilisé les instruments du journaliste au service de la musique" expliquait-il à 20 Minutes en 2015. 

Son idée était alors de savoir quels chanteurs vendaient le plus et, pour cela, il a dû déployer une méthodologie bien précise. Avec l'aide de Pierre Lescure, patron de Canal+, et des instituts d'études Ipsos et Nielsen, il établit une comptabilisation des ventes de disques. "Les passages en caisses des 45 et 33 tours seront relevés, comptabilisés, comparés" détaille Europe 1. Diffusée à la radio et sur Canal +, l'émission devient rapidement incontournable et offre une forte visibilité aux artistes qui composent le classement. 

C'est ainsi qu'on a découvert les Rita Mitsouko, qui ne passaient à l'antenne que la nuit.

Philippe Gildas

à Europe 1

Mais après les années 2000 et le déclin de l'industrie du disque, le "Top 50" perd peu à peu son audience et se retrouve diffusé de nuit ou tôt le samedi sur la chaîne MCM. Le classement des ventes physiques de "singles" s'arrête définitivement en 2012. 

Tintin à la télévision 

C'est à Philippe Gildas que l'on doit l'adapation télévisuelle des aventures du reporter à la houpette. En 1987, avec quelques cadres dirigeants de Canal+, il crée la société de production Ellipse. En quelques années, elle devient l'un des "principaux producteurs de programmes de télévisions en France" notait le quotidien Les Echos en 1994. La société produit des jeux comme "Pyramide", des documentaires, des magazines mais aussi des dessins animés. Son objectif était alors de "développer le savoir-faire français en matière de dessins animés" comme le raconte L'Express

Au début des années 1990, après avoir adapté Les Aventures de Babar diffusées dans le monde entier, Philippe Gildas se lance un nouveau défi : transposer Tintin sur le petit écran. Il convainc Fanny Remi, veuve de Hergé et détentrice des droits de la bande dessinée. Il fallait "lui expliquer que, malgré l'opinion répandue, l'animation pouvait conserver la richesse des traits et la variété des expressions" relate L'Express. Pari réussi : Fanny Remi accepte. 

Les péripéties de Tintin sont diffusées en "prime time" sur France 3 à partir de 1992 et raflent "plus de 25% de part de marché" s'enthousiasme alors la responsable des programmes jeunesse de la chaîne dans L'Express. Au total, "60 dessinateurs ont travaillé pour porter à l'écran les 325 personnages créés par le dessinateur belge" précise le Huffington Post.

L'"infotainment" 

"Il a inventé un style qu'on appelle par un barbarisme 'infotainment', qui est un mélange de divertissement et d'actualité", a affirmé Michel Denisot dimanche 28 octobre sur franceinfo. "Il a créé la vision à 360 degrés du journalisme audiovisuel" a-t-il ajouté dans un tweet. Tout au long de sa carrière, Philippe Gildas a cultivé un journalisme plutôt décontracté, avec une certaine liberté de ton. 

Formé au Centre de formation des journalistes à Paris (CFJ), il commence sa carrière au débuts des années 1960 à RTL puis à la télévision, au sein de l'ORTF, où il présente le journal télévisé. Mais en 1976, lassé de "jouer les hommes-troncs" au journal de 20 heures, il passe de l'information au divertissement, en présentant "La Tête et les Jambes". Dans cette émission, les candidats devaient répondre à des questions de culture générale et réaliser des épreuves sportives en cas de mauvaise réponse. Sur cet extrait, on découvre également Thierry Roland, au début de sa carrière. 

Avec cette émission très populaire, Philippe Gildas participe au décloisonnement entre le ton sérieux et formel de l'information pure et une certaine légèreté qu'il apportera ensuite dans d'autres émissions comme "La Chasse aux trésors", qu'il présente à partir de 1981 puis "Nulle part ailleurs", qu'il a animé de 1987 à 1997. " Notre credo, c’était mélanger le sérieux et la distraction", avait-il déclaré à Ouest-France en 2017 à propos du lancement de l'émission culte.

C'était quelqu'un qui avait une curiosité à 360 degrés et qui était indépendant ce qui, dans notre métier, est une qualité fondamentale.

Michel Denisot

sur franceinfo

Aujourd'hui, d'autres animateurs comme "Antoine de Caunes, Marc-Olivier Fogiel mais aussi Yann Barthès" continuent à cultiver cette liberté de ton, décrypte Virginie Spies, maître de conférence à l'université d'Avignon et spécialiste des médias, à l'AFP. "Sur le contenu, l'héritage est du côté de Studio Bagel et des vidéastes qui travaillent avec YouTube" ajoute-t-elle. 

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