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La fin des "Guignols de l'info" ? "C'est une décision politique", selon l'un des imitateurs

Daniel Herzog, l'une des voix de l'emblématique JT satirique de Canal+, réagit à la possible disparition de l'émission.

Article rédigé par Benoît Zagdoun - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Daniel Herzog est, entre autres, la voix de la marionnette de Dominique Strauss-Kahn, photographiée ici, le 17 octobre 2011, à Paris, sur le plateau du "Grand Journal". (ALEXANDER KLEIN / AFP)

Il est "inquiet" et "dégoûté". Depuis vingt-trois ans, Daniel Herzog est l'une des voix des "Guignols de l'info". Les hommes politiques Dominique Strauss-Kahn et Alain Juppé, l'humoriste Guy Bedos, les journalistes Jean-Jacques Bourdin ou Jean-Michel Aphatie, l'entraîneur de natation Philippe Lucas... L'imitateur a 140 personnages à son répertoire. Et lorsqu'il donne une interview, il passe facilement de l'un à l'autre. Pour francetv info, il réagit à l'annonce de la disparition annoncée de l'emblématique JT satirique de Canal+.

Francetv info : Imaginiez-vous que "Les Guignols", doyenne des émissions satiriques, puissent s'arrêter prochainement ?

Daniel Herzog : On ne s'attendait pas à ça. Ça fout un coup. Mais la véritable annonce devrait avoir lieu demain, lors de la réunion des actionnaires du groupe. Vincent Bolloré, le patron de Vivendi, la maison mère de Canal+, devrait leur annoncer ses projets pour la chaîne avec, sans doute, une refonte des programmes. Mais il a l'air décidé, cet homme-là. Nous sommes dans l'expectative. C'est beaucoup de souci pour beaucoup de gens. "Les Guignols", ça représente 300 personnes. Les fabricants de marionnettes, les décorateurs, les maquilleuses, les habilleuses, les marionnettistes, les scénaristes, les imitateurs, les cadreurs...  

Les audiences du "Grand Journal", pendant lequel "Les Guignols" sont diffusés, se sont érodées. Cela peut-il être la raison de l'arrêt de l'émission ? 

Ça peut être un argument pour Bolloré, mais il est fallacieux. "Les Guignols" font de bonnes audiences. "Le Grand Journal" ne marche pas fort, mais il y a une pointe d'audimat au moment des "Guignols". Non, c'est incompréhensible. Ce monsieur n'est pas un philanthrope et il n'a aucune raison valable de supprimer l'émission.

Canal+ vient même d'investir dans du matériel et une nouvelle régie et a racheté l'entreprise Images et Mouvements pour être maître des marionnettes. Et on a un "best of" qui va être diffusé pendant tout l'été. On n'en avait plus depuis quatre ou cinq ans.

Si "Les Guignols" s'arrêtent, on va perdre du monde. C'est très dangereux. Canal, c'est une chaîne à péage. Ça va faire un trou dans le budget. Il se tire une balle dans le pied. Mais c'est lui le patron. 

Alors comment expliquez-vous cette possible disparition ?

C'est une décision politique. "Les Guignols" piquent là où ça fait mal. Parmi les hommes politiques, il y en a qui nous détestent. Mais il faut dire que s'ils étaient d'une propreté irréprochable, on serait bien embêtés. On approche de la présidentielle de 2017 et ça peut déranger. Si "Les Guignols" s'arrêtent, ça sera une forme de censure. On va museler la caricature et la satire politique. C'est lamentable. [Daniel Herzog prend la voix d'Alain Juppé]. Mais au fond, ce ne serait pas très étonnant. Pouvoir et argent sont liés. Et je m'attends à tout depuis que Bolloré a mis un pied dans Canal.

L'information est tombée deux jours après la mort d'Alain de Greef, le père des "Guignols". C'est encore un peu plus de "l'esprit Canal" qui s'en va ?

De Greef, je l'ai vu il y a un an, à la fête des 30 ans de Canal. Il était assez dégoûté de voir la tournure que prenait la télé, y compris sa chaîne. Je partage son avis. Canal+, c'est un espace de liberté avec des émissions fortes, souvent contestataires comme "Groland", "Le Petit Journal"... On commence par supprimer "Les Guignols" mais ça va s'arrêter où ? Les abonnés ont déjà perdu pas mal de foot. Les films pornos, il y en a maintenant partout... Il va rester quoi de Canal ? 

[Il imite la voix de Jean-Michel Aphatie] Il a repris cette chaîne pour en faire quoi ? TF1 ? D8 ? "Touche pas à mon poste", ce n'est pas le même monde. Il y avait une vraie folie dans "Nulle Part Ailleurs" du temps de Philippe Gildas, mais avec un vrai fond. Aujourd'hui, il y a toujours de la dérision, mais moins de fond, moins d'esprit critique. L'époque a changé depuis les Nuls, les auteurs aussi. Les JT de 20 heures ont aussi moins d'impact. "Les Guignols" suivent sûrement un peu. Ça s'essouffle. 

Anonymes et politiques s'indignent de la fin d'une institution. Certains ne trouvent pas ça très "Charlie", en référence à l'esprit du 11-janvier. Vous approuvez ?

Ce genre de geste, ça ne passe pas dans l'opinion française. En France, nous avons une tradition de la critique du pouvoir. Le roi avait son bouffon, les années 1950 leurs chansonniers... Molière disait : "Le devoir de la comédie est de corriger les hommes en les divertissant."

[Il imite la voix de Guy Bedos] Là, on est contre l'intégrisme de la bien-pensance. J'aimerais bien que les gens descendent dans la rue pour ça. Qu'est-ce que c'est que ce monde où il s'agit de penser dans le bon sens, de ne pas se moquer, d'avoir le même avis que tout le monde ? On est loin de Mai-68. 

[Il imite la voix de DSK] Je n'ai pas beaucoup d'espoir de gagner. On verra bien. Mais même si ça s'arrête, ça aura été une période extraordinaire de ma vie et je garderai de très bons souvenirs de mes 23 ans aux "Guignols". Mais l'affaire n'est pas finie. Nous n'allons pas nous laisser faire sans résister, faites-nous confiance. 

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