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Philippe Geluck : "Jean-Pierre Coffe est devenu un monument national"

L'auteur du "Chat" était l'un des plus proches amis du célèbre chroniqueur culinaire.

Article rédigé par Vincent Matalon - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le dessinateur belge Philippe Geluck lors d'une exposition consacrée à son œuvre, le 8 février 2016 à Paris. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Depuis leur collaboration sur le plateau de Vivement dimanche !, il était devenu l'un des plus proches amis de Jean-Pierre Coffe. Quelques heures après l'annonce de la mort du célèbre chroniqueur culinaire, le dessinateur Philippe Geluck a raconté à francetv info, mercredi 30 mars, quelques-uns des souvenirs partagés avec l'une des plus grandes gueules de la télévision française.

Francetv info : Comment avez-vous rencontré Jean-Pierre Coffe ?

Philippe Geluck : C'était il y a vingt ans. Je travaillais pour le magazine suisse L'Illustré. Jean-Pierre avait à l'époque fait des déclarations incendiaires sur la qualité du chocolat suisse. Comme je suis quelqu’un de loyal, j’avais utilisé un dessin du Chat pour lui répondre, au nom de tous les lecteurs qui nous avaient écrit, indignés. Pour la première et seule fois de ma vie, j'avais dessiné le Chat s'exprimant comme Jean-Pierre, ivre de colère. Il lançait quelque chose comme : "Rentre dans ton pays si t'aimes pas le chocolat, sale chauve !"

Nous nous sommes croisés quelques temps après sur un plateau de télévision, et malgré son air pincé lorsqu'il a évoqué mon dessin, nous avons tout de suite sympathisé. Nous sommes devenus copains à ce moment-là, avant de devenir de vrais amis quelques années plus tard, quand nous avons commencé à travailler avec Michel Drucker sur Vivement dimanche !.

On dînait ensemble après les émissions, on a appris à se connaître… Nous sommes devenus si proches que nous avons réalisé, un jour, que nous avions fêté trois Saint-Valentin successives ensemble, avec ma femme. Il en riait beaucoup, lançant "Et dire qu'on ne couche pas ensemble !" C'était un vrai ami, bien plus qu'une simple relation professionnelle.

Qui était-il, au-delà de l'homme aux coups de gueule homériques que la France entière connaissait ?

Jean-Pierre était l'homme le plus délicat, attentionné, généreux, et cultivé du monde. Il était épris de beauté, de peinture et de musique classique. C'était un grand ami de la cantatrice Natalie Dessay, qu’il allait écouter aux quatre coins du monde. Et puis il avait ce côté épicurien que tout le monde peut imaginer : au cours de sa vie, il a dû manger 18 000 cochons et boire l’équivalent des récoltes annuelles de Bordeaux, de Beaujolais et de Loire réunies !

C’était un chantre de la vie, de la tendresse et de l’humour. On passait régulièrement plus d’une demi-heure au téléphone, à rire comme des cons. Un jour, il m'a dit que ces moments lui rappelaient ceux qu'il avait passés avec l'acteur Jean Carmet. C'est un compliment qui m'a profondément touché, sachant la place que Carmet avait eue dans sa vie.

Un souvenir particulier vous revient-il, lorsque vous repensez à votre amitié ?

Je me souviens d'un week-end passé en Bretagne, dans la maison de l'écrivain Jean Teulé, avec Miou-Miou, Coffe et son compagnon. Nous avions évoqué les funérailles de Jean-Pierre en plaisantant à propos d'une scène qui avait eu lieu quelques années plus tôt : Coffe avait fait cadeau à Teulé de deux pâtés en croûte que Jean n’avait pas trouvé terribles. Jean-Pierre lui avait révélé par la suite qu’il s’agissait de deux recettes qu’il testait avant de les proposer à Leader Price !

Pour le punir, nous avions dit qu'à sa mort, nous préparerions un grand pâté en croûte avec sa viande, et qu'il serait sponsorisé par Leader Price. Il avait répondu "Je veux bien, mais ne touchez pas à ma bite !" 

Quel héritage laisse-t-il aux Français ?

Jean-Pierre a éveillé les consciences sur la notion de qualité. Il parlait des produits, bien sûr, mais il se souciait avant tout des personnes, des métiers et de leur transmission. Et cela allait plus loin que les métiers de bouche : il aimait les métiers du jardin, les ébénistes, les tailleurs de pierre… C’était un grand défenseur du patrimoine et de la culture. Au point de, sans doute, devenir lui-même un monument national.

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