Sort de CNews, nouvelles chaînes candidates... Que faut-il attendre des auditions de l'Arcom pour l'attribution de 15 fréquences de diffusion de la TNT ?
La télévision de 2025 aura-t-elle le même visage qu'aujourd'hui ? L'Arcom, gendarme de l'audiovisuel, remet en jeu quinze canaux de diffusion de la télévision numérique terrestre (TNT), dont les autorisations arrivent à échéance en 2025. Si aucune chaîne ne compte rendre l'antenne, elles devront convaincre face à des projets concurrents.
Le gendarme de l'audiovisuel examine à partir de lundi 8 juillet les dossiers de candidatures des prétendants. Quelles sont les chaînes dont les accords arrivent à expiration ? Comment vont se dérouler les auditions ? Quels sont les canaux particulièrement scrutés ? Franceinfo fait le point sur le processus.
Quinze fréquences, vingt-cinq candidats
Quinze fréquences sont remises en jeu, détaille l'Arcom. Il s'agit de celles des chaînes Canal+, C8, CNews, CStar, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport et Planète+ (groupe Canal+), TMC, TFX et LCI (groupe TF1), W9, Gulli et Paris Première (groupe M6), BFMTV (vendue au groupe CMA CGM de Rodolphe Saadé) et NRJ12 (groupe NRJ).
Les propriétaires de ces chaînes sont tous candidats pour conserver le droit d'utiliser leur canal, mais ils seront en concurrence avec dix projets supplémentaires. Le groupe TF1, en plus des trois fréquences qu'il souhaite conserver, défend lundi deux nouveaux projets, pour l'instant nommés La Chaîne Histoire et Humour TV.
De nouveaux entrants potentiels passeront également sur le grill. Le magazine L'Express défendra, le 15 juillet, L'Express TV, projet dont les grands axes sont "l'infodivertissement autour d’un talk-show quotidien", "l'histoire contemporaine" et "les sciences", selon un communiqué. Le groupe Ouest-France, qui possède le quotidien régional du même nom, va défendre le 16 juillet OF TV, une chaîne qui "racontera ce que vivent les Français et portera un regard à la fois divertissant et ancré dans le réel, 'de la commune au monde'", décrivait le directoire de l'entreprise dans le quotidien.
La webtélé de gauche radicale Le Média va également candidater, et sera auditionnée vendredi 12 juillet. Elle a lancé une campagne de financement participatif accompagnée d'un manifeste, sur son site, pour défendre son projet d'"une chaîne de télé du côté des gens et non des puissances de l’argent" et "qui assume son engagement à gauche".
Le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, notamment propriétaire de Casino et du groupe de presse CMI France (Marianne, Elle...), présentera son projet RéelsTV le 16 juillet. Les derniers projets seront BATV, de l'association chrétienne Je suis, OP TV de la société Ombre première (déjà à l'origine d'une chaîne musicale ultramarine sur les box), et Mieux, de la société Média Santé Info TV.
Pluralisme, viabilité économique... Des critères à respecter
L'Etat fournit aux acteurs privés des autorisations d'émettre sur les fréquences radioélectriques par le biais de l'Arcom. Après avoir vu leur dossier de candidature validé, les candidats à la reprise d'une fréquence passent devant l'autorité lors d'auditions publiques.
Celles-ci commenceront le 8 juillet à partir de 9 heures, avec les représentants de Guilli, jusqu'au passage d'Ombre Première, le 17 juillet à 9 heures. Lors de ces oraux, l'Arcom questionnera les représentants des chaînes et "prendra notamment en compte le pluralisme de l’information et des courants d’expression socio-culturels, l’intérêt pour le public ou encore l’engagement de la candidature en matière de soutien à la création, sa contribution et les mesures prises en matière sociétale et de protection des publics", précise l'autorité dans son communiqué.
L'Arcom étudie également la viabilité du projet d'un point de vue technique et économique, précise le site Vie-publique.fr. Les autorisations de diffusion seront délivrées "d'ici à la fin de l'année 2024", pour une durée de dix ans maximum. Cette autorisation n'est pas un chèque en blanc : si les chaînes enfreignent leurs obligations, l'Arcom peut engager le dialogue avec son éditeur, avant d'engager une procédure graduelle pouvant aller jusqu'à la sanction pécuniaire, voire le retrait unilatéral de l'autorisation d'émettre sur la fréquence.
Les chaînes C8 et CNews dans le viseur
Parmi tous les canaux TNT remis en jeu, deux devraient particulièrement attirer l'attention : ceux de C8 et CNews, qui occupent respectivement le huitième et seizième canal. Les deux chaînes appartenant au milliardaire conservateur Vincent Bolloré sont depuis plusieurs années dans le viseur de l'Arcom qui, entre 2012 et mi-juin, a prononcé au moins 44 mises en garde, mises en demeure et amendes contre les deux chaînes, selon un décompte du journal Le Monde.
C8, dont les responsables seront auditionnés le 9 juillet, a reçu une pluie de sanctions à cause des dérapages réguliers de son animateur vedette, Cyril Hanouna, et de ses chroniqueurs. La chaîne a notamment écopé d'une amende de 500 000 euros en juillet 2023 pour la diffusion d'une théorie du complot sur "l'adrénochrome", ou encore d'une pénalité de 50 000 euros en juin pour avoir présenté des personnes handicapées comme des toxicomanes. Et d'une sanction record de 3,5 millions d'euros après des insultes de Cyril Hanouna contre le député LFI Louis Boyard en novembre 2022.
CNews est quant à elle régulièrement accusée de promouvoir des opinions d'extrême droite. Elle aussi a écopé de plusieurs amendes, par exemple pour avoir laissé son chroniqueur Eric Zemmour dire que les mineurs isolés sont des "voleurs", des "assassins" et des "violeurs" – propos qui ont valu une condamnation au polémiste d'extrême droite, qui a fait appel.
Leur cas a largement occupé les débats de la commission d'enquête parlementaire sur les fréquences TNT en début d'année. Son rapporteur, Aurélien Saintoul (LFI), "ne comprendrait pas que les chaînes CNews et C8 puissent se voir, en l'état, renouveler leurs autorisations de diffusion", avait-il écrit dans son rapport final, publié mi-mai, mais rejeté par une majorité de membres de la commission.
Le député de Paris Aymeric Caron (LFI) a également appelé à ne pas renouveler le canal de diffusion de CNews. "Ce n’est pas pour des raisons idéologiques, parce que c’est une chaîne d’extrême droite, mais pour des raisons légales, parce que la chaîne ne respecte pas ses obligations conventionnelles", a-t-il justifié sur X, notamment la liberté d'expression, "en concentrant les prises de paroles autour d'une idéologie bien précise et bien particulière".
"Nous avons très peu de doutes sur notre renouvellement puisque nous répondons à tous les critères", a pour sa part assuré Serge Nedjar, directeur général de CNews, début juin à l'AFP. "Un éditeur est tout à fait libre de choisir les thèmes qu'il veut traiter et la façon dont il les traite, il est libre de choisir les intervenants qu'il veut inviter sur ses plateaux", avait estimé sur France Inter Roch-Olivier Maistre, le président de l'Arcom. Tout en rappelant qu'"on ne peut pas, dans le cadre juridique en vigueur en France, avoir une chaîne d'opinion (...), un média qui ne développe qu'un courant de pensée".
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