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Trois questions sur l'accord entre Canal+ et BeIn Sports, refusé par l'Autorité de la concurrence

Canal+ ne pourra pas s'allier avec BeIn : l'Autorité de la Concurrence a refusé d'autoriser son projet d'accord exclusif conclu avec son rival.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Les micros de BeIn Sports et de Canal+, pris en photo le 4 avril 2014 à Paris. (FRANCK FIFE / AFP)

C'est un revers cinglant pour Vincent Bolloré. L'Autorité de la concurrence s'oppose, jeudi 9 juin, à l'accord de distribution exclusive entre la filiale de Vivendi Canal+ et BeIn Sports, signé en février. Francetv info vous aide à comprendre les enjeux de cette affaire.

Quel était l'enjeu de cet accord ?

Le projet d'accord prévoyait la diffusion en exclusivité des chaînes BeIn Sports dans les offres du groupe Canal+ pour une durée de cinq ans, pour un montant global compris entre 1,5 milliard et 1,7 milliard d'euros. Ce projet d'accord aurait permis à Canal+ de renforcer son offre sportive, dégarnie depuis le lancement des chaînes qataries en 2012, tout en réduisant l'influence d'un redoutable concurrent. Car Canal+ a perdu 550 000 abonnés en cinq ans et ses comptes ont plongé dans le rouge.

Toutefois, le projet suscitait des craintes de plusieurs acteurs du secteur, opérateurs télécoms en tête, au motif qu'il risquait de restreindre l'accès aux compétitions sportives les plus populaires. Canal+ avait donc fait une série de concessions pour répondre aux inquiétudes de l'Autorité de la concurrence. Il avait notamment garanti que les fans de sport pourraient toujours s'abonner à l'offre de BeIn seule au prix de 14 euros, sans être contraint de souscrire un abonnement à Canal+.

Pourquoi ce refus ?

Ces concessions n'ont visiblement pas suffi à rassurer l'Autorité, qui a choisi de mettre son veto. "Ce projet d'accord, dont nous ne connaissions pas tout, comportait un risque de collusion dans les droits sportifs, car les deux acteurs auraient détenu 80% des droits sportifs, et la Ligue de foot était inquiète", a expliqué son président, Bruno Lasserre, lors d'une conférence de presse.

Le régulateur estime que Canal+ n'a pas apporté la preuve d'une modification substantielle du paysage concurrentiel, a expliqué Bruno Lasserre. Il n'y a donc pas de raison d'autoriser le groupe à distribuer une chaîne en exclusivité, ce qui lui est interdit depuis 2012, lorsqu'il a racheté son rival TPS, et jusqu'en 2017.

En clair, Canal+ a tenté de prouver que son accord avec BeIn n'était pas une entrave à la concurrence, mais l'Autorité ne s'est pas laissée berner. "L'Autorité de la concurrence n'a pas tellement apprécié le lobbying tout en finesse de Vincent Bolloré", analyse Les Jours (article payant). Pas plus que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'ailleurs : il y a quelques jours, il avait estimé que cet accord était problématique pour le secteur. Mais le CSA n'a qu'un rôle consultatif dans cette affaire.

Cette décision menace-t-elle Canal+ ?

A entendre Vincent Bolloré, cet accord était LA solution pour sauver Canal+ et ses équipes. Car le président du conseil de surveillance de Vivendi n'a pas hésité à parler de risque de faillite du groupe Canal+ le 21 avril, devant les actionnaires réunis en assemblée générale à l'Olympia. Jeudi, sur Twitter, le groupe a réagi sobrement à la décision de l'Autorité de la concurrence.

L'Autorité, elle, ne se fait pas trop de souci pour Canal+. Bruno Lasserre a rappelé jeudi que le groupe "est largement rentable", malgré la baisse de ses abonnés en France et la hausse des droits sportifs. Un petit tacle qui n'a pas échappé à un journaliste de Libération sur place.

Pour Bruno Lasserre, Canal+, qui continue à proposer une offre "trop chère" à une "clientèle" qui "vieillit et s'érode", doit se remettre en question. Il promet que l'Autorité l'aidera. "Nous allons tout remettre à plat et définir un cadre clair et prévisible" pour Canal+ en 2017, a-t-il déclaré jeudi.

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