Taxer les smartphones : "Des prélèvements de plus en plus importants et de moins en moins justifiés"
L'association de consommateurs revient sur certaines préconisations du rapport sur la culture à l'ère numérique, qui touchent le grand public.
Ce sont les propositions 48 et 49 du rapport Lescure (lien PDF) sur les politiques culturelles à l'ère numérique, remis par l'ancien patron de Canal + à François Hollande, lundi 13 mai. Les mesures : "Instaurer une taxe sur les appareils connectés permettant de stocker ou de lire des contenus culturels" et "créer un compte d’affectation spéciale auquel le produit de cette taxe serait affecté et qui financerait des actions de soutien à la transition numérique des industries culturelles". Une taxe de trop pour Olivier Gayraud, chargé de mission consommation à l'association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), qui regrette aussi le "faux abandon" de l'Hadopi.
Francetv info : Quel impact peuvent avoir les préconisations du rapport Lescure sur les consommateurs ?
Olivier Gayraud : Ce rapport complet propose une très bonne analyse de la politique culturelle française, mais envoie de mauvais signaux aux consommateurs français. Nous tenons à l'exception culturelle française. Cependant, nous regrettons que ce rapport n'aille pas plus en profondeur dans la remise en cause de la riposte graduée de l'Hadopi par exemple, et qu'il préconise de nouvelles taxes.
Aujourd'hui, le pouvoir d'achat des consommateurs est mis à rude épreuve et les taxes supplémentaires ne peuvent s'additionner sans davantage de transparence. Nous étions particulièrement intéressés par le sort de la taxe sur la copie privée, qui a représenté 193 millions d'euros en 2011. Quand on achète un smartphone de 16 giga, on paye 8 euros au titre de la copie privée, et 9,90 euros, s'il a une capacité de 32 giga. De même, le prix d'une tablette de 16 giga inclut 8,40 euros au titre de la rémunération de la copie privée, et 10,50 euros, si c'est 32 giga. Le rapport ne remet pas en cause son organisation et la façon dont elle est attribuée.
Que reprochez-vous à cette taxe ?
Nous souhaitions, a minima, plus de transparence quant à son utilisation. Pour l'instant, la commission d'attribution, au sein de laquelle nous siégeons, est composée de six consommateurs, six industriels et douze représentants des artistes et de leurs ayants droit. Ces derniers n'ont donc aucun mal à obtenir ce qu'ils veulent, il leur suffit de gagner une seule voix pour avoir la majorité. Le système est tellement déséquilibré que les industriels ont quitté la commission l'an dernier.
Le rapport suggère que l'Etat arbitre en fixant les barèmes par décret, mais cela ne résoudra pas les dysfonctionnements de cette commission. La rémunération pour copie privée est très critiquée, et cela me paraît incompréhensible qu'on veuille en transposer le principe pour créer une nouvelle taxe.
Justement, le rapport Lescure avance une taxe de 1% sur les "appareils connectés"...
Ces prélèvements sont de plus en plus importants et de moins en moins justifiés. Est-ce vraiment au consommateur, plutôt qu'à l'Etat ou aux collectivités locales, de supporter, par exemple, le soutien au spectacle vivant ? Financer la culture est une évidence mais le système de financement doit être beaucoup plus clair. Il faut une meilleure transparence. On ne peut pas grever le budget des consommateurs à l'infini, sans organiser un vrai débat.
La taxation sur les appareils connectés est massive et repose sur une assiette énorme. Mais le fait que cette taxe soit totalement aveugle est le plus gênant. Elle touche le consommateur, qu'il utilise son appareil pour aller charger des contenus sur internet ou non. Détenir ce genre de tablette ne signifie pas que l'on va consommer des biens culturels. Et encore moins qu'on va le faire illégalement. Donc, vous allez payer pour votre offre légale, mais aussi via le support que vous utilisez pour le regarder.
Vous dénoncez également une fausse suppression de l'Hadopi ?
Même si des aménagements sont proposés, le traitement du piratage ne remet malheureusement pas en cause le système actuel de la riposte graduée. Or, cette judiciarisation extrême a prouvé son inefficacité, en plus du fait qu'elle induit une surveillance accrue de l'internaute, que nous déplorons. Pour fonctionner, il faut que l'offre légale devienne attractive et pour nous, il est question, là, de la licence globale. Le rapport en parle. Il avance même qu'il faudra y arriver, à l'avenir. Mais il n'en dit pas plus.
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