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Très attendu à Avignon : "Sopro" de Tiago Rodrigues, l’émotion du théâtre par la vie d’une souffleuse

Dans le Cloître des Carmes ouvert au ciel et au souffle du vent, Tiago Rodrigues évoque avec poésie et subtilité la vie d’une souffleuse et en fait une métaphore du théâtre.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Sopro" de Tiago Rodriguez
 (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Quand Tiago Rodrigues est devenu en 2014 directeur de l’équivalent de notre Comédie-Française à Lisbonne, les souffleurs existaient toujours. Cette profession en voie de disparition, il la fait sortir de sa trappe : Cristina Vidal souffleuse au Teatro Nacional pendant 30 ans devient ainsi l’héroïne de "Sopro" (sopro est le souffle en portugais).

Femme de l'ombre, "poumon du théâtre"

Mais Il a fallu la convaincre ! "Je ne suis pas faite pour être sur scène" répondait-elle, toujours habillée de noire pour se fondre dans l’obscurité. La voici donc, cette femme de l’ombre, toujours en retrait et cahier à la main, murmurant à l’oreille de tous les protagonistes du théâtre et aussi à celles des deux actrices qui interprètent son rôle.  
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
Dans un décor de théâtre en décrépitude où poussent les herbes folles, le théâtre du futur selon Tiago Rodrigues, la pièce évoque la découverte par Cristina dès l’âge de 5 ans du trou du souffleur, puis son embauche à 21 ans, son travail avec les comédiens : attendre, surveiller, écouter, sauver. "Elle, la seule personne du théâtre pour qui recevoir les félicitations du public est un échec !"
 
"Une fois je me suis retrouvée en pleine lumière, parce qu'un acteur avait soulevé le rideau derrière lequel je me tenais, une minute, une minute sur scène dans une vie", se remémore-t-elle.

Un hommage à tout le théâtre

Mais "Sopro" n’est pas un spectacle documentaire, à partir de Cristina, de façon subtile, Rodrigues étend son hommage à tout le théâtre, les dangers qui le guettent, la mémoire, l’oubli. Et lorsqu’il fait rejouer magnifiquement les scènes des "Trois sœurs" de Tchekhov, "Bérénice" de Racine ou "Antigone" de Sophocle, on ne sait plus très bien démêler la fiction de la réalité. 

"Il y a dans les théâtre, des associations, des compagnies qui fonctionneraient même dans des ruines. Si tout ferme, on continue à faire du théâtre : ça c’est sûr. Ce sera clandestin, secret mais ça aura lieu", affirme Rodrigues dans le programme.
 
La beauté de la langue portugaise et le talent des comédiens (Isabel Abreu, Beatriz Bras, Sofia Dias, Vitor Roriz, Joao Pedro Vaz) nous font oublier l’intensité des sous- titres. Car le texte est dense mais le talent de metteur en scène est de réussir, avec un travail intelligent mais parfois cérébral, à rendre toute l’émotion de cette histoire et de cette vie. 
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
A la fin de la pièce, quand Cristina Vidal, "poumon du théâtre", seule sur scène, dit à voix haute quelques lignes de "Bérénice" l’émotion est palpable… Quelques instants plus tard, elle sera acclamée dans les coulisses.  

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