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Théâtre en prison : "Vague à larmes" pour mettre en pièces la radicalisation
Comment lutter contre la radicalisation en prison ? Alors que l’Etat peine à trouver une réponse adaptée, le théâtre emprunte des voies annexes pour sensibiliser les détenus à ce fléau. La Compagnie Six pieds sur terre a créé un spectacle sur ce thème. Baptisé "Vague à larmes", il a été joué le 3 mars devant une soixantaine de détenus de centre de détention de Val de Reuil.
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Reportage : France 3 Normandie - F. Lafond / E. Lombaert / J. Giet
En juin dernier, la compagnie Six pieds sur terre, basée à Rugles dans l’Eure, préparait sa nouvelle création, "Vague à larmes", destinée à être jouée à la maison d’arrêt d’Evreux puis à celle de Val-de-Reuil. C’est la première qui a sollicité la troupe pour créer un spectacle sur le thème de la radicalisation ( depuis 2010, la compagnie intervient dans ce centre pour proposer des spectacles interactifs et des stages avec les détenus).
En juin dernier, la compagnie Six pieds sur terre, basée à Rugles dans l’Eure, préparait sa nouvelle création, "Vague à larmes", destinée à être jouée à la maison d’arrêt d’Evreux puis à celle de Val-de-Reuil. C’est la première qui a sollicité la troupe pour créer un spectacle sur le thème de la radicalisation ( depuis 2010, la compagnie intervient dans ce centre pour proposer des spectacles interactifs et des stages avec les détenus).
On peut tous être manipulés
"Vague à larmes" raconte comment Leïla, 17 ans, découvre que son petit ami a été arrêté à la frontière turque alors qu’il partait rejoindre les rangs de Daech en Syrie. Ni elle ni sa sœur Sarah avec qui elle vit n’a rien vu venir. Leïla ne comprend pas comment son ami a pu se laisser manipuler et pense que cela n’aurait jamais pu lui arriver... La pièce s’attache à montrer qu’au contraire, chacun de nous est susceptible d’être manipulé dès lors qu’on est en perte de repères et en quête de sens.Estime de soi et émotions
Myriam Zwingel, la metteur en scène a ainsi voulu mettre en avant le lien entre manipulation et fragilité personnelle. "Il est important de parler de l’estime de soi et des émotions" rappelle-t-elle. Une estime qui est mise à mal en prison comme le confirme Karim Mokhtari, le directeur de l'Association 100 Murs qui est passé par la case prison où il est tombé dans l’engrenage de la radicalisation avant d’en sortir juste à temps. "La radicalisation commence dès lors qu’on a du mal à être intégré, à se faire comprendre. On a besoin d’avoir du sens dans sa vie, un but à atteindre.Amener la culture dans ces lieux, c’est aussi favoriser la "désistance" et orienter les gens vers une certaine résilience"
Karim Mokhtari, Association 100 Murs .
La pièce, qui a été jouée le 3 mars dernier à la maison d'arrêt de Val-de-Reuil, a fait réagir les détenus. L'un d'eux explique "le travail de sape à très long terme" qui est fait en prison. "Ca marche sur certains, pas sur d'autres. Mais quand la manipulation fonctionne, le changement est radical. C'est ça qui est vraiment le plus effrayant".
Des solutions qui tâtonnent
Selon les chiffres officiels, on compte actuellement en France 1336 détenus identifiés comme radicalisés contre 700 en 2015 (source gouvernement.fr). Si les mécanismes de la radicalisation sont aujourd’hui identifiés, les réponses pour endiguer ce phénomène restent encore tâtonnantes. Dans ce domaine, comme le rappelait Le Monde en octobre 2016, la recette miracle n’existe pas.
A l’époque, le journal revenait sur l’abandon par le gouvernement des 5 unités spécialisées qui regroupaient les détenus radicalisés ou en voie de l’être. Mises en place par Christiane Taubira après les attentats de 2015, elles avaient commencé à fonctionner en janvier 2016. Mais après l’agression en septembre dernier de deux surveillants de la maison d’arrêt d’Osny (Val d’Oise) par l’un des prisonniers de l’unité spécialisée, le nouveau Garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas avait décidé de stopper ces regroupements.
Ils avaient selon lui "l’avantage d’apaiser le reste de la détention et d’entraver le prosélytisme. Mais ils rendaient aussi "la prise en charge individualisée plus difficile en raison de l’effet de groupe".
Désormais, au lieu d’être regroupés, les détenus les plus dangereux seront placés à l’isolement et répartis sur le territoire.
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