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A l'Odéon, Stéphane Braunschweig revisite "Iphigénie" de Racine à l’aune de la pandémie

Au théâtre de l'Odéon-Ateliers Berthier, Stéphane Braunschweig met en scène une "Iphigénie" de Racine qui résonne avec ce que nous vivons. 

Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Suzanne Aubert, Chloé Réjon, Astrid Bayiha (Simon Gosselin)

Devant la nécessité de revoir sa programmation en s’adaptant aux exigences de distanciation, le choix du directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe s’est porté sur Racine. Un dramaturge qui se prête plus qu’un autre à ces temps de Covid : pas d’effusions, peu de déplacements mais la langue dans son intensité et sa pureté.

L’armée grecque dans son appétit de puissance s’apprête à écraser Troie quand soudain le vent tombe. Tout est arrêté. L’oracle Calchas exige, pour amadouer les dieux, que le roi des grecs Agamemnon sacrifie sa propre fille, Iphigénie.

Que sommes nous prêts à sacrifier ?

Stéphane Braunschweig nous tend un miroir, décelant dans cette tragédie de Racine nos dilemmes et interrogations du moment : que sommes-nous prêts à sacrifier pour que les affaires reprennent ? L’espace scénique justement, ultra épuré, évoque un open space d’un quartier d’affaire, avec sa fontaine à eau, ses personnages en tailleurs et costumes cravates, ses deux chaises blanches pour tout décor. Ce sont sur les mêmes chaises que les spectateurs s’installent des deux côtés de la scène, à bonne distance les uns des autres, entourés par la mer somptueuse et inerte projetée sur écran géant. De sorte que nous public semblons témoins, presque complices, du sacrifice programmé d’Iphigénie.

"Iphigénie" aux Ateliers Berthier (Simon Gosselin)

Un beau trio d'héröines 

Pour permettre à plus de comédiens de remonter sur scène, deux distributions jouent en alternance. Ce soir-là Jean-Philippe Vidal incarnait Agamemnon (en alternance avec Claude Duparfait), aux côtés de Sharif Andoura (Ulysse) et de Thibault Vincent (vibrant Achille). Mais ce sont les rôles féminins bien plus forts encore qui séduisent, le trio de comédiennes portant avec panache la poésie des mots.

Tout de blanc vêtue Suzanne Aubert est une Iphigénie touchante et forte, Anne Cantineau donne tout ce qu’il faut de dignité et de rage à Clytemnestre sa mère, Euriphile est incarnée par la poignante Lamya Regragui Muzio.

Anne Cantineau, Pierric Plathier (Simon Gosselin)

Rare tragédie de Racine à se terminer par une fin "heureuse", Iphigénie ne sera pas tuée, simplement enlevée aux yeux de ses parents et c’est l’étrangère de la pièce qui sera sacrifiée à sa place… Mais on connait la suite : la poursuite de la malédiction des Atrides, la vengeance de Clytemnestre, la mort d’Agamemnon.

La  langue racinienne merveilleusement distillée 

Reste qu’en tutoyant le présent, ce Racine revu par Braunschweig fait sens et fait mouche. Le metteur en scène centre son travail sur la langue que tous les comédiens distillent avec une rare clarté. Les enjeux de la tragédie paraissent ainsi encore plus proches de notre humanité à l’arrêt, où l’on se pose également la question du sacrifice.


"Iphigénie" de Jean Racine

Mise en scène de Stéphane Braunschweig (2h15)
Ateliers Berthier de l'Odéon-théâtre de l'Europe
1, rue André Suares, Paris 17e Porte de Clichy
Du 23 septembre au 14 novembre 2020 à 20h 
01 44 85 40 40

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