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"Un dhikri pour nos morts"

Le dramaturge et comédien comorien Soeuf Elbadawi évoque l’émigration parfois tragique de ses compatriotes vers Mayotte.
Article rédigé par franceinfo - Philippe Triay
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2min
L’affiche de la pièce, jouée à l’espace Confluences à Paris
 (DR)

Dans l’océan Indien, dans un bras de mer qui s’étend sur quelque 70 kilomètres et reliant l’archipel des Comores à l’île française de Mayotte, existe un vaste cimetière marin. Depuis des années, il accueille les dépouilles de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants qui ont tenté à leurs risques et périls de rejoindre l’eldorado que représente pour eux le nouveau département français.

Embarqués à bord de « kwasa-kwasa », des embarcations de fortune, ils ont tenté une périlleuse traversée. Pour beaucoup d’entre eux, le voyage vers la terre promise a viré au cauchemar. Surchargé la plupart du temps, frêle devant les caprices de l’océan, le kwasa-kwasa s’est retourné, entraînant la noyade des passagers.

Soeuf Elbadawi témoigne de cette réalité tragique au cours d’un long poème qu’il décline sur scène, alliant la musique à l’image et au texte. Renouant avec la tradition spirituelle musulmane, le comédien s’inspire du « dhikri », un rituel d’invocation divine dont se saisissent les initiés soufi pour rendre hommage à leurs saints et à leurs morts illustres.

« Un dhikri pour nos morts » est aussi une œuvre résolument politique qui se saisit d’une mémoire sonore retraçant le contentieux politique à l’origine de cette tragédie humaine. « Nous avons retrouvé des prises de parole d’hommes politiques français et comoriens sur l’occupation d’une île au détriment d’un ensemble comorien », explique Soeuf Elbadawi. « Si le 101ème département français est aujourd’hui devenue une destination à kwasa, c’est aussi parce qu’on a cherché à déconstruire un pays. L’Union des Comores revendique encore sa souveraineté sur Mayotte (Maore). L’Onu lui donne raison et condamne la position française sur l’île à coups de résolutions. Il est intéressant de voir que des voix françaises, celle du président Giscard d’Estaing notamment, ont soutenu le principe d’une unité archipélique à respecter, à l’heure où se négociait l’indépendance de ces îles. Il est important que l’on réentende ces voix pour mieux saisir les conséquences du visa Balladur dans le coeur des Comoriens ».

Un dhikri pour nos morts de Soeuf Elbadawi
Jusqu’au 29 janvier à 20h30 - Confluences 190 Bd de Charonne 75020 Paris (M° Alexandre Dumas / Philippe Auguste)

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