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"Camille contre Claudel": pas de deux de Lola et Hélène Zidi en égérie de Rodin

Oubliée durant des lustres, Camille Claudel fait l’objet de multiples rétrospectives depuis le film de Bruno Nuytten avec Isabelle Adjani et Gérard Depardieu en 1988. "Camille contre Claudel", pièce d'Hélène Zidi qu’elle joue et met en scène avec sa fille Lola, confronte la jeune femme amoureuse de Rodin à la femme en fin de vie, comme pour trier le grain de l’ivraie d’un tandem tumultueux.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Hélène et Lola Zidi dans "Camille contre Claudel" d'Hélène Zidi
 (Julien Jovelin)

D’amoureuse à rivale

Cela pourrait sembler la leçon d’une mère à sa fille, d’autant que les interprètes, Lola et Hélène Zidi, le sont à la ville. Il n’en est rien. Lola est Camille Claudel jeune, et Hélène l’incarne à l’automne de sa vie. Pourtant elles parlent ensemble, dansent même dans une même chrorégraphie de la vie. Leur sujet de converse est bien évidemment Rodin, dont la première fut la maîtresse et muse, pour ne pas dire plus, et la seconde la résultante, patiente de l’hôpital psychiatrique de Montfavet, à partir de 1913, où elle périt en 1943.
Depuis le film de Bruno Nuytten, qui participa pour beaucoup à la reconnaissance et de la réhabilitation de Camille Claudel, son destin tragique, issu de son amour immodéré et exclusif pour un Rodin marié et volage, est connu du plus grand nombre. Cette référence n’est pas inopportune, puisque la voix off de Gérard Depardieu intervient à plusieurs reprises pour interpréter le sculpteur dans la pièce. Cette présence ne reflète que plus l’absence du "maître" auprès d’elles. De Camille, qu’il négligeait au profit de son épouse et autres maîtresses, et de Claudel, ensuite, avec laquelle il avait coupé tout lien. Ce qui signifie qu’elle lui faisait de l’ombre, comme inspiratrice mais aussi comme rivale sur le plan artistique, sa production prêtant encore à caution aujourd'hui sur l’attribution de certaines œuvres.

Intimité, art et destin commun

Côte-à-côte, face au public, dans un décor sobre, enluminées de lumières orchestrées, vêtues de beaux costumes, Lola et Hélène Zidi nous plongent dans ce drame intime où s’entremêlent un destin, l’art et les sentiments. Parfois l’ancienne semble faire la leçon à sa jeunesse, mais les justifications de cette dernière peuvent faire de même. Ce discours générationnel est réciproque. L’on peut toutefois parfois prendre ce dialogue comme s’il était de mère à fille, oubliant qu’il s’agit du même personnage à deux âges différents. C’est un peu le défaut du spectacle, mais l’on n’en perd pas le fil pour autant. Et ce rapport de mère à fille n’est pas contradictoire par rapport au texte.
Lola Zidi dans "Camille contre Claudel" d'Hélène Zidi
 (Julien Jovelin)
Un très beau texte, documenté et dramatique, non dénué d’humour. Il touche juste, dans ce drame passionnel d’une femme mise face à elle-même, face à son art, mais aussi face au public, tant l’objet de sa passion, Rodin, était, à l’époque, connu de tous. Une publicité fatale à Camille, du fait de l’embourgeoisement de son amant. Ce qui emporta la sculptrice dans des contrées indicibles, jusqu’à son internement à Montfavet. "Camille contre Claudel" clarifie ce terrain énigmatique, où l’intime, l’art, et des sentiments communs à tout un chacun, s’entremêlent au bénéfice d’une reconnaissance commune à tous. Il en ressort une identification forte et une émotion durable au terme d’un spectacle habité.
"Camille contre Claudel" : l'affiche
 (DR)

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