"Ça ira" : Vivre la Révolution en direct avec Joël Pommerat au Théâtre des Amandiers de Nanterre
Pour revoir le passé à la lumière du présent et atteindre à l'universel, Joël Pommerat utilise un langage très contemporain et exclut toute imagerie d'époque. En costume-cravate, derrière sa tribune, Louis XVI prend d'emblée le public à partie lorsqu'il évoque la crise financière et la nécessité d'élargir l'impôt aux nobles et au clergé.
Un langage et des costumes délibérement contemporains
Pendant 4 heures Pommerat balaye avec brio les temps forts des premières années de la Révolution Française (1788-1790), incluant le public dans les différentes assemblées, lui faisant toucher du doigt le processus qui va mener le pays à de si grands bouleversements.Au cœur des comités de quartier nous assistons à l'élection des représentants aux Etats généraux. Pommerat se focalise sur cette classe sociale qu'on appelle le tiers état, qui va porter les revendications de l'époque. Puis nous allons à Versailles, à l'assemblée. Quelques scènes tragiques et dérisoires nous montrent aussi la terrible solitude d'un roi coupé de son peuple.
En costumes délibérément contemporains, les quatorze comédiens et la trentaine de figurants surgissent dans la salle, débattent et s'invectivent au milieu des spectateurs, tiraillés entre les modérés qui réfléchissent à la rédaction des droits de l'homme et les plus radicaux qui veulent passer à l'action directe. Des événements d'une intensité incroyable, qui résonnent de manière très étrange aujourd'hui.
La mise en place d'un échiquier politique conforme au notre
Necker, Robespierre, Bailly, ne sont pas appelés par leur nom, pour mieux styliser des archétypes politique : le financier inflexible, le révolutionnaire qui veut tout détruire, le modéré qui veut réconcilier les extrêmes. On assiste à la mise en place d'un échiquier politique conforme au notre. Le clergé qui ne paye pas d'impôt (rappelons nous que c'est le cas en Grèce), les emplois réservés, les spéculateurs, le peuple oublié dans les réformes…Sans multiplier les effets, Pommerat nous tient en haleine comme dans un bon feuilleton politique. Les débats sont ponctués de scènes marquantes : la douleur de Marie Antoinette et de Louis XVI à la mort de leur fils, le dauphin, qui détourne le roi de prendre les mesures qui s'imposent, la journaliste hispanique en direct de Versailles qui traduit le discours du roi en simultané, la solitude du monarque à côté de sa sœur. Le sérieux du propos n'empêche pas les clins d'œil : l'arrivée du roi dans un meeting au son d'un hymne des stades de foot, la femme du peuple qui supplie le roi de revenir à Paris, sans la reine si possible, et qui réclame un selfie…
Un engagement qui force le respect
Yvain Juillard incarne avec une sobriété extrêmement juste un Louis XVI hésitant, qui veut éviter à tout prix un bain de sang. Anne Rotger est une Marie Antoinette dépressive et iconique qui refuse de se rapprocher de son peuple. Les autres comédiens incarnent plusieurs rôles, avec un engagement qui force le respect.Cette fresque épique se termine par l'installation du roi à Paris sur fond de crise alimentaire et des premiers assassinats de fermiers généraux, accusés d'entretenir la pénurie. La révolution est en marche, Louis ne le sait pas encore. "Ça ira", dit-il", se rassurant lui-même. On attend avec impatience la suite, où le "Ça ira" enverra les aristocrates à la lanterne…
"Ça ira (i) Fin de Louis" au Théâtre Nanterre-Amandiers
Du 4 au 29 novembre 2015
Du mardi au samedi à 19h30, dimanche à 15h30
7 avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre
Réservation : 01 46 14 70 00
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.