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Maëlle Poésy réanime avec humour la démocratie en Avignon

Maëlle Poésy et Kevin Keiss présentent au Festival d'Avignon un spectacle de politique-fiction, une fable à l'humour ravageur, dans laquelle les citoyens se rebellent sur fond de déluge climatique… "Ceux qui errent ne se trompent pas", la pièce qu'ils ont imaginée a été rattrapée par le réel.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Ceux qui errent ne se trompent pas", mise en scène de Maëlle Poésy
 (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Le bureau de vote est ouvert depuis 3 heures et l'urne est désespérement vide. Panique des assesseurs, qui finissent par alerter le ministère de l'intérieur : "Les isoloirs n'ont personne à isoler". La fable de Maëlle Poesy démarre sur les chapeaux de roues.

L'idée lui est venue après la lecture de "La Lucidité" du Prix Nobel portugais José Saramago. Elle a proposé à son complice Kevin Keiss de travailler à une adaptation libre du texte. Le résultat est une farce politi-climatique décapante.

"La peste blanche"

Car c'est dans une atmosphère de fin du monde, alors qu'il pleut à verse (y compris sur le plateau complètement noyé), que la capitale s'abstient de voter. Dans le reste du pays, au contraire, une participation record est observée. Mais à l'heure du dépouillement surprise, à 80% les citoyens ont voté blanc !

Les experts convoqués pour éclairer "cette peste blanche" bafouillent, même naufrage dans les ministères ou les politiques piqués au vif par ce désaveu pointent des votes "irresponsables". Il faut identifier les meneurs, éviter la propagation, proclamer "L'état d'inquiétude".
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Crise politique et crise écologique

Prémonitoire ? La pièce a été écrite deux ans avant l'état d'urgence et la contestation citoyenne de "Nuits debout", assure Maëlle Poésy, tout de même troublé par la résonnance de sa pièce.

"C'est un conte qui de façon métaphorique parle de plein de choses qui peuvent traverser la société aujourd'hui, mais ça parle avant tout d'une démocratie qui si elle ne se remet pas en question peut aussi virer à un autoritarisme forcené", nous commente d'une voix posée Maëlle Poésy à la fin du spectacle. "La bonne santé d'une société, c'est d'être capable de se poser des questions. Tout le parallèle avec la pluie c'est parce que j'avais très envie de parler de la crise écologique qui a les mêmes ressorts et qui perdure à cause d'une vision à court terme."
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Une croquignolesque galerie de portraits

La jeune metteur en scène de 32 ans (remarquée pour son "Candide" d'après voltaire) multiplie les trouvailles pour surligner l'incapacité des représentants à représenter, leurs frustrations, leur enfermement. Elle dresse une croquignolesque galerie de portraits (la ministre de la justice qui menace constamment de démissioner…) moque les tics de langage, les titres à rallonge (le ministre de l'économie est également celui de la défense, comme si les banques étaient désormais les uniques forteresses à protéger). Poésy s'amuse à pousser le bouchon très loin, le gouvernement sombre dans l'autoritarisme, la démocratie se transforme en dictature.

On a aussi beaucoup apprécié le personnage récurrent de la journaliste qui multiplie les directs en ciré breton, sous une pluie constante.
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Idée jolie et légère qui est cependant un peu à l'image du spectacle; l'humour et l'inventivité de Maelle Poésie nous séduisent mais sont parfois trop anecdotiques, et le spectacle en son milieu, tourne un peu en rond.

Mais voila en tout cas une création qui confirme la réputation récente de cette metteur en scène, qui, on le dit pour les fans, est la jeune sœur de Clémence Poésy, remarquée entre autre dans la saga des Harry Potter.

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