"La Mort de Danton" à la Comédie-Française : une vision romantique du révolutionnaire
Georg Büchner, le "Rimbaud allemand", le républicain, le militant pour l’émancipation du peuple, mort à 23 ans, livre dans La mort de Danton son regard d’étranger sur un moment paroxysmique de la Révolution Française où tout s’emballe : les cinq jours qui ont précédé la mort de Danton, en pleine Terreur.
Dans un décor unique très 18e siècle, les meubles dessinent les différents lieux dans lesquels les personnages vont évoluer : une chambre, le Club des Jacobins, une ruelle, le Comité de Salut public, la Convention, une prison ou la place de la Concorde. Tout cela sous le terrible regard de La Méduse du Caravage.
Un Danton populaire malgré des mœurs dissolues
Une semaine plus tôt, en mars 1794, Robespierre a fait décapiter les ultras menés par Hébert, et il ressent l’urgence de se débarrasser à présent de son ancien ami Danton jugé, lui, trop modéré. Un Danton toujours très populaire malgré des mœurs dissolues, et qui s’interroge sur les dévoiements de la Révolution.
Hervieu-Léger, étonnant Robespierre
C’est Loïc Corbery et sa belle présence, très loin du physique de Danton (colosse aux traits irréguliers), qui donne au tribun jouisseur et désenchanté, la fougue et le romantisme que lui prête Büchner. Clément Hervieu Léger est très étonnant en Robespierre, insufflant une puissance et une sorte d’hystérie très convaincante au personnage.
La langue, quand on l’entend (Corbery par exemple n’est pas toujours audible), peut être belle. Mais la pièce est bavarde, et ni Büchner, ni la mise en scène trop classique, ne rendent tout à fait l’intensité des personnages.
La fraternité de ces jeunes condamnés
Quelques scènes frappantes resteront cependant : les discours de Saint-Just (Guillaume Gallienne incarne impeccablement "l’incorruptible" qui dénonce une "guillotine trop lente") et de Robespierre ("la terreur est une émanation de la vertu, anéantissons par la terreur les ennemis de la liberté"), tous deux retournant la Convention en défaveur de Danton ; les espoirs blessés d’un Camille Desmoulins (très juste Gaël Kamilindi). Et surtout la fraternité qui se noue en prison entre ces jeunes condamnés qui doivent affronter, lors de leur dernière nuit, leurs désillusions et, pour certains, la peur de mourir.
La Mort de Danton, délibérément ancrée dans son époque, le 18e siècle, par le metteur en scène, alerte sur les risques des révolutions qui finissent dans un bain de sang. La pièce retiendra l’attention des passionnés d’histoire, même si Buchner fait de Danton un héros romantique, lui qui n’a rien fait pour empêcher, notamment, les massacres en prison en 1792, alors qu’il était ministre de la justice.
Pour les autres, l’avertissement de Simon Delétang est à prendre au pied de la lettre : "Venir voir cette pièce sans avoir quelque peu revu la complexité des enjeux de ce moment-clé de l’Histoire de France, ni connaître tous les protagonistes qu’il implique et la chronologie des faits, relève d’une certaine gageure" ! C’est la vraie réserve que nous faisons sur ce spectacle ambitieux, la nécessité d’y arriver vraiment préparer.
"La Mort de Danton" de Georg Büchner, mise en scène de Simon Delétang
Avec la troupe de la Comédie-Française : Guillaume Gallienne, Christian Gonon, Julie Sicard, Loïc Corbery, Nicolas Lormeau, Clément Hervieu-Léger, anna Cervinka, Julien Frison, Gaël Kamilindi, Jean Chevalier, Marina Hands, Nicolas Chupin
Salle Richelieu de la Comédie-Française
Place Colette, Paris Ier
Du 13 janvier au 4 juin 2023 (matinée à 14h, soirée à 20h30)
01 44 58 15 15
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