"La Danse de mort" : tout le fiel de Strindberg par des comédiens inspirés
Scène de ménage métaphysique
Dans une forteresse glaciale au milieu de nulle part, un capitaine zélé et son épouse, ancienne actrice, s’écharpent devant un invité imprévu. Rancune et petits arrangements alimentent l'anniversaire de leurs 25 ans de mariage, entre grotesque, humour et tragédie.C’est à une apocalyptique scène de ménage aux échos métaphysiques qu’invite "La Danse de mort". Ecrite en 1900-1901, le tournant du siècle, la Belle-époque, cette pièce dans la veine naturaliste de Strindberg semble annoncer la Première Guerre mondiale à venir. Dans son décor de garnison, ce couple en déliquescence à force de perdurer sur des compromis multiples, est en attente d’un affrontement final. Ce qui n’est pas sans évoquer "Le Désert des Tartares" de Dino Buzzati.
Le sabre contre le verbe
C’est à cette guerre des sexes qu’invite Strindberg. Chacun défend son point de vue, à force de souvenirs amers, de reproches, de mauvaise foi, de mensonges ou de vérités, parfois avec un cynisme d’un comique achevé. Car l’on rit aussi dans ce pugilat. Jean Alibert et Helene Theunissen traduisent toute la palette de sentiments qui les habitent, en s’appropriant le texte avec une puissance et une occupation de l’espace qui provoquent l’identification immédiate, dès les premières salves.
La mise en scène de Stuart Seide, dans le dépouillement d’un décor abstrait, où trône un sabre, objet chéri du capitaine, se concentre sur le texte et le jeu. En ressort une haine tangible, dans la violente phallocratie crasse de l'un, et les mots cinglants et méprisants de l'autre. Jusqu'à un dénouement inattendu. Car si l’on dit souvent Strindberg misogyne, cette "Danse de mort" n’est pas si simpliste, mais à double tranchant et plus que jamais d’actualité.
Distribution : Jean Alibert, Helene Theunissen, Pierre Baux, Karin Palmieri
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