"Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres..." clôt la riche année Molière de la Comédie-Française
Julie Deliquet imagine avec une belle vitalité l’intimité du dramaturge-chef de troupe, dont on sait finalement assez peu de choses.
Un spectacle qui parle de l’intimité de Molière et de ses rapports avec sa troupe à un moment bien précis de son histoire : au lendemain de son premier grand succès, L’école des femmes, en 1663. C’est ainsi avec Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres, mis en scène par Julie Deliquet (Directrice du TGP de Saint-Denis), que se clôt cette belle année Molière célébrée par la Comédie-Française : à hauteur d’homme et de son quotidien d’auteur, de chef de troupe et d'amoureux.
Une année qui, rappelons-le, a été l’occasion de découvrir, à côté de quelques pièces majeures données dans de nouvelles mises en scène (Le Tartuffe ou l’hypocrite, L’Avare, Le Bourgeois gentilhomme), des créations autour d’une thématique Molière : les relations avec la critique (Le Crépuscule des singes), la vie de Molière côté musique (D’où rayonne la nuit), la vie de l’héritière (Le silence de Molière), ici la vie de la troupe.
Un collectif au travail
Au début du spectacle la troupe rentre chez elle après avoir joué L’Ecole des femmes (le décor de grand appartement communautaire est signé Eric Ruf et le très beau travail sur les lumières de Vyara Stefanova). Il y a de la fébrilité dans l’air. La pièce a fait salle comble, les recettes sont inédites. Julie Deliquet nous montre d’abord ce principe sur lequel fonctionnait la troupe de Molière : une participation financière à part égale pour chaque acteur, hommes et femmes. A cette occasion une assemblée générale les réunit, chacun peut prendre la parole sous l’autorité comptable du jeune La Grange (Sébastien Pouderoux) qui n’a que 24 ans à l’époque.
Suivent dans cette première partie une juxtaposition de petits riens du quotidien (parfois anecdotiques), comme la lessive, l’anniversaire des enfants, l’amour de Molière (Clément Bresson) pour Armande Béjart qu’il vient d’épouser, et le questionnement autour de cette Ecole des femmes qui va susciter bien des jalousies et connaître des vicissitudes. Au point d’entraîner la création de deux autres spectacles : La critique de l’école des femmes et L’Impromptu de Versailles.
Un vrai naturel
Julie Deliquet donne de la couleur et un vrai naturel à ces scènes collectives de débats et d’interrogation sur la valeur de ce premier grand succès. Elles semblent s’improviser sous nos yeux, en mettant, en partie, les textes de Molière dans la bouche des comédiens. Un regret, que ces tableaux de groupe ne soient pas plus nombreux dans cette première partie.
La deuxième partie, très réussie, tourne autour de L’Impromptu de Versailles, pièce commandée et même exigée par le roi qui veut la voir dans l’après-midi alors qu’elle n’a jamais été répétée. Moment savoureux où la troupe bafouille son texte, entre crise de panique et crise de fou rire, sous l’œil d’un Molière qui se décompose devant nous.
De ce spectacle un peu brouillon mais plein de sève on retiendra avec émotion que peu de choses, en 400 ans, ont changé. Que la troupe de la Comédie-Française d’aujourd’hui est bien l’héritière de celle de Molière, d’ailleurs son fonctionnement à la fois hiérarchisé et démocratique demeure. On saluera donc ceux sans qui Molière n’aurait pas eu le même destin : les comédiens. On a cité Clément Bresson et Sébastien Pouderoux, on complétera avec Serge Bagdassarian, toujours impeccable, Hervé Pierre dont c’est la dernière création avant son départ, et les excellentes Florence Viala (Madeleine Béjart), Elsa Poivre (Melle du Parc)), Adeline d’Hermy (charmante en Armande Béjart) et Pauline Clément.
"Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres", mise en scène de Julie Deliquet. D'après "L'Ecole des femmes", "La Critique de l'Ecole des femmes" et "L'Impromptu de Versailles" Du 17 juin au 25 juillet 2022 - 2h35 avec entracte - Comédie-Française - Salle Richelieu - Place Colette, Paris 1er
01 44 58 15 15
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