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"Il faut rire de tout sans faire souffrir les autres " : Coline Serreau définit son métier entre théâtre et cinéma

Coline Serreau est sur scène avec "#Coline Serreau", un spectacle où elle interagit avec son public. L'occasion de rencontrer une femme solaire et sincère qui a toujours navigué entre théâtre et cinéma.

Article rédigé par franceinfo Culture - Jean-François Lixon et Chrystel Chabert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Coline Serreau, comédienne et réalisatrice.  (THIERRY GACHON / MAXPPP)

Jusqu'au 22 juin, Coline Serreau est à Lyon, sur la scène du théâtre de la Comédie Odéon avec son spectacle #Coline Serreau. La cinéaste et comédienne expérimente un format original : elle propose six thèmes (les femmes et l'écologie, nos aïeux, les métiers, les influences, l'humour, les mythes). Le public choisit par vote lesquels seront abordés. A charge pour Coline Serreau de dérouler sa pensée, ses souvenirs de vie, dans un mélange de préparation et d'improvisation. 

Nous la rencontrons après le spectacle avec une série de questions, inscrites sur des papiers qu'elle pioche au hasard. Au programme : les paradoxes du cinéma et du théâtre, les limites du "je dis tout", l'interaction avec le public et la création d'un nouveau mot/concept, le v(n)nous !
 

FranceInfo Culture : Rire de soi-même permet-il de rire de tout ?
Coline Serreau : Ça, c'est le premier truc ! L'autodérision, c'est un trésor... Il faut rire de tout sans faire souffrir les autres.

Est-on sûr de ne rien trahir quand on est son propre interprète ?

On n'est jamais assez bon, on est toujours en mouvement et en progrès, y n'a que les morts qui ne font pas de progrès ! Mais trahir, je crois pas... Je crois pas que c'est mon truc la trahison.

Vidéo de l'interview de Coline Serreau avec Jean-François Lixon, juin 2019

Conversation avec Coline Serreau
Conversation avec Coline Serreau Conversation avec Coline Serreau

Au cinéma, l'oeuvre perdure mais elle est figée. Au théâtre, elle est éphémère mais elle peut évoluer. Parlez-nous de ces paradoxes...

J'ai goûté les deux... C'est vrai qu'au cinéma, c'est très dangereux pour nous le fait que ce soit figé. Moi maintenant, avant de sortir un film, avant qu'il soit mixé, j'ai la caméra sur le public pour voir où ça réagit et ajuster les longueurs de plan en fonction des rires... Malgré tout, une fois que c'est fait, c'est fait.

Au théâtre, tous les soirs vous apprenez ce que vous apprenez en trois ans avec un film. C'est pour ça que je n'ai jamais quitté la scène. J'ai toujours continué à jouer. Mais tout n'est pas éphémère, il y a des choses qui restent. Molière reste, Shakespeare reste, les grandes histoires, les beaux textes... Il faut essayer de rester mais ça, ce n'est pas nous qui le décidons. On dit : ce qui est important, c'est ce qui est devenu important. Ce n'est pas à notre échelle que ça se décide, mais on fait tout pour (sourire). 

 

Quelles sont les limites quand on s'engage à tout dire ?

Les limites, c'est de ne pas ennuyer les gens... Là, je parle de mes aïeux dans la mesure où c'est une grande histoire d'amour contrariée par la société (ndlr : Coline Serreau raconte la naissance de sa grand-mère, une aïeule née d'une passion hors mariage). Et une grande histoire d'amour, tout le monde en connaît, c'est universel, moi ou pas moi, au fond ça pourrait être n'importe quelle histoire.

Je suis quelqu'un d'assez pudique, j'ai pas tellement envie de parler de moi. Mais je pense qu'il y a des choses que j'ai vécues qui peuvent entrer en résonance avec ce que les gens ont vécu. Et c'est bien qu'à un moment je dise "Je", en toute modestie bien sûr.

Faudrait-il voir toutes les représentations pour connaître votre spectacle #Coline Serreau ?           

Ah ça c'est clair ! Tous les gens qui sortent disent que c'est trop court (le spectacle dure 1h20)... Ça ne sera jamais pareil et je n'ai pas envie que ce soit pareil. J'ai tellement de choses à raconter que tous les soirs ce sera différent. Mais c'est sûr que c'est frustrant, pour moi et pour le public... 1h20 ce n'est pas beaucoup. Mais des spectacles de six heures où j'emmène mon oreiller, je n'en veux plus ! Je trouve qu'il vaut mieux partir en se disant qu'on n'a pas vu l'heure passer plutôt que : oh là là, j'ai senti la choucroute que j'ai mangée toute la soirée ! Non, il faut être passionnant et bref !

Coline Serreau dans son spectacle #Coline Serreau. (P. Perrel / France Télévisions)

Le spectacle parle-t-il plus de vous ou de nous ? 

Ça c'est une belle question ! Le spectacle n'a d'intérêt que s'il parle de "vnous"... Tiens on va le garder ce mot-là !... Moi, ce qui me plaît, c'est de rentrer en contact avec les autres, à un certain niveau. Pas au niveau des blagues de cul mais à un niveau d'existence où on partage des choses communes. Là je me sens bien, je me sens heureuse. Je sens que j'ai le droit d'exister comme artiste si je suis avec les autres donc c'est un spectacle qui parle de "v(n)ous" !

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