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Festival Off Avignon 2023 : le Prix Nobel de Littérature Svetlana Alexievitch rassemble les témoignages de soldates russes dans "La Guerre n'a pas un visage de femme"

La Prix Nobel de Littérature 2015, Svetlana Alexievitch, a recueilli de multiples récits de témoins de la Seconde Guerre mondiale, pour les réunir en paroles de cinq femmes soldats. Une fresque héroïque, où le courage le dispute aux désillusions. Sur scène dans le OFF d'Avignon
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Cécilia Hornus, Sophie de La Rochefoucaud, Sandrine Molard, Emmanuelle Rozès et Valérie Vogt, dans "La Guerre n'a pas un visage de femme" de Svetlana Alexievitch, au Théâtre de la Traversière, à Paris (2022). (DR)

Engagées volontaires dans l’armée russe contre l’ennemi nazi durant la Seconde Guerre mondiale, cinq femmes témoignent des épreuves subies dans un monde d’hommes. Écrite par la Prix Nobel de Littérature 2015 Svetlana Alexievitch, la pièce mise en scène par Marion Bierry rassemble cinq comédiennes exceptionnelles sur la scène du Théâtre du Girasole, dans le off du festival d'Avignon, jusqu'au 29 juillet.

Mouvements de troupe

Dès l’invasion nazie de l’URSS en 1941, des centaines de jeunes filles et femmes russes se sont engagées pour défendre leur pays. Des bureaux de recrutement, sous l’œil goguenard des hommes, à l’acte d’héroïsme d’une femme pilote à bord d’un coucou en contreplaqué, défilent des anecdotes issues d’une histoire mal connue de la Seconde Guerre mondiale.

Porté par la comédienne Cécilia Hornus, le projet de créer une pièce à partir du texte de Svetlana Alexievitch a trouvé chaussure à son pied dans la mise en scène de Marion Bierry. Ce qui pourrait se limiter à un chapelet de souvenirs du "bon vieux temps" prend vie grâce à la présence sur scène de Cécilia Hornus, Sophie de La Rochefoucaud, Sandrine Molard, Emmanuelle Rozès et Valérie Vogt. Elles occupent l’espace dans une chorégraphie orchestrée, en déplaçant constamment leurs chaises et une grande table, comme si elles effectuaient des mouvements de troupes sur le terrain. Emportées par leurs personnages, elles transmettent la fougue et les drames d'un quotidien épique hors normes.

Esprit de résistance

Rigueur, humour et fluidité donnent corps à ces récits, où l’on passe de la critique culinaire de la "tambouille", à la chirurgie de campagne, en passant par les exploits d’une tireuse d’élite, ou la parenthèse d’un baiser volé. Synthèse de récits épars, la pièce rend compte de regards personnels sur le conflit. S’ils sont individuels, ils se rejoignent dans la volonté inextinguible de mettre fin à la barbarie nazie. Toutefois, le courage et les actes de bravoure de ces femmes ne seront pas forcément récompensés au niveau de leur sacrifice. Leur oubli, comblé grâce à Svetlana Alexievitch, n’est pas sans avoir un goût amer.

La Guerre n'a pas un visage de femme arrive sur scène seize mois après l’invasion russe en Ukraine, pas forcément le moment le plus propice. À travers ces témoignages transparaît pourtant l’esprit de résistance du peuple ukrainien retourné aujourd’hui contre l’envahisseur russe. Ce troublant changement des rôles n’est que plus significatif de l’universalité de l’esprit de conquête. Le soldat a-t-il un genre ? On le dit plus féminin dans la défensive que dans l’offensive, à l’image d’une féminité protectrice. Ces femmes engagées sont multiples, frondeuses, tendres, révoltées, amusantes, ou amoureuses, à l’image de ce chœur d’actrices sur scène qui fait corps.

La Guerre n'a pas un visage de femme
De Svetlana Alexievitch
Adaptation et mise en scène : Marion Bierry
Avec :
Cécilia Hornus, Sophie de La Rochefoucauld, Sandrine Molaro, Emmanuelle Rozès, Valérie Vogt
Théâtre du Girasole
24 bis rue Guillaume Puy
84000   Avignon
Tél : 04 90 82 74 42

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