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Festival d’Avignon : "Le Reste vous le connaissez par le cinéma" transpose Euripide à Gennevilliers

"Le Reste vous le connaissez par le cinéma" de Martin Crimp adapte "Les Phéniciennes" d’Euripide avec modernité dans la mise en scène de Daniel Jeanneteau.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
"Le Reste vous le connaissez par le cinéma" de Martin Crimp adapte "Les Phéniciennes" d’Euripide avec modernité dans la mise en scène de Daniel Jeanneteau au Festival d'Avignon 2019. (© Christophe Raynaud de Lage)

Si le titre Le Reste vous le connaissez par le cinéma reste abscons, le dramaturge britannique Martin Crimp donne une relecture des Phéniciennes (circa 410 av. J. C) d’Euripide qui trouve écho aujourd’hui dans une mise en scène inventive de Daniel Jeanneteau. Au Festival d’Avignon jusqu’au 22 juillet et repris à Gennevilliers en janvier 2020, puis en tournée.

Le chœur au cœur de la pièce

Dans une salle de classe toute retournée, un groupe de jeunes filles s’interpellent mutuellement, entre provocation et connivence, interrogation et certitude. Jusqu’à ce qu’apparaisse Jocaste dont le fils Etéocle, légataire de la ville de Thèbes par son père déchu Œdipe, est défié par son frère Polynice, de retour glorieux de guerre. Jocaste tente d’apaiser en vain la vindicte fratricide, sous le regard et les commentaires des jeunes femmes observatrices du sort réservé à la ville. Le roi reclus Œdipe, qui sort de sa retraite, se révèle impuissant à départager ses deux fils. Etéocle confie alors à son oncle Créon la conduite par intérim de la cité. Celui-ci en profite pour imposer son pouvoir, alors qu’Etéocle et Polynice s’engagent dans un combat mortel. Détachées, les jeunes filles regardent ces luttes avec dédain, alors que Jocaste se suicide sur la dépouille de ses fils. Antigone, sa fille, défie Créon qui refuse, selon le dictat d’Etéocle, de donner une sépulture thébaine à Polynice, signifiant ainsi son illégitimité.

"Le Reste vous le connaissez par le cinéma" de Martin Crimp adapte "Les Phéniciennes" d’Euripide avec modernité dans la mise en scène de Daniel Jeanneteau au Festival d'Avignon 2019 (© Christophe Raynaud de Lage)

Martin Crimp, respecte dans ses grandes lignes le texte et la dramaturgie des Phéniciennes, la tragédie d’Euripide qui, elle-même, s’inspirait des Sept contre Thèbes d’Eschyle. Mais à la différence d’Euripide, il redonne une importance primordiale au chœur des jeunes filles qui deviennent dans leur rôle d’observatrices et de commentatrices de l’action les principales protagonistes de la pièce. En confiant leurs rôles à des adolescentes de Gennevilliers, où Daniel Jeanneteau est directeur du T2G, le metteur en scène rajoute une dimension socio-politique supplémentaire à une pièce déjà chargée de ce point de vue.

Deux mondes déconnectés

Si Daniel Jeanneteau confie les rôles principaux à de grands comédiens et comédiennes (Solène Arbel, Stéphanie Béghain, Axel Bogousslavsky, Yann Boudaud, Quentin Bouissou, Clément Decout…), c’est le chœur qu’il a composé de jeunes filles non professionnelles qui domine la pièce. Habillées en street style, préoccupées par des questions de leur âge, elles n’en sont pas moins concernées par le drame antique qui se joue devant elles. C’est leur regard sur les grands de ce monde, leurs histoires personnelles (on ne reviendra pas sur l’inceste originel d’Œdipe) et leurs décisions politiques, qui prend le dessus. Avec le sentiment d’une déconnection profonde entre deux mondes.

"Le Reste vous le connaissez par le cinéma" de Martin Crimp adapte "Les Phéniciennes" d’Euripide avec modernité dans la mise en scène de Daniel Jeanneteau au Festival d'Avignon 2019 (© Christophe Raynaud de Lage)

En projetant Euripide à Gennevilliers, Daniel Jeanneteau, via Martin Crimp, démontre l’intemporalité de la tragédie grecque et sa pertinence dans l’analyse du monde contemporain. Ces jeunes filles de la ville des Hauts-de-Seine impressionnent par leur présence, leur maîtrise du verbe et leur mouvement sur une scène large et en chaos. Encombré de tables et de chaises renversées en tous sens, à l’image d’un champ de bataille, le décor minimaliste participe du conflit qui se joue. Avec sa mise en scène, Daniel Jeanneteau atteint son but. Mais malgré deux extraits de films (Œdipe roi de Pasolini et Jason et les Argonautes de Don Chaffey/Ray Harryhausen), le titre, Le Reste vous le connaissez par le cinéma, reste une énigme…

Le Reste vous le connaissez par le cinéma
De Martin Crimp
Mise en scène : Daniel Jeanneteau

Gymnase du lycée Aubanel
Du 16 au 22 juillet - 18h00
Reprise au T2G de Gennevilliers en janvier 2020, puis en tournée.

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