Fanny Ardant dévore son Croque-Monsieur à belles dents !
Le boulevard, souvent moqué, souvent déprécié, souvent poussiéreux il est vrai, séduit ces temps-ci les grandes comédiennes. La saison dernière, Catherine Frot se révélait piquante à souhait dans "Fleur de Cactus" de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy, au côté de Michel Fau qui n’a pas son pareil pour dépoussiérer les grands succès du répertoire populaire.
Cette fois c’est Fanny Ardant qui s’y colle, avec l’incontournable de Marcel Mithois : elle est Coco Baisos, grande bourgeoise excentrique qui découvre que son mari ruiné vient de se suicider. La voilà avec une seule idée en tête, se remarier au plus vite avant que le Tout-Paris découvre qu’elle est une veuve désargentée.
Un second degré charmant, une douce mélancolie
Dans cette chasse au mari, riche comme il se doit, elle compte sur le carnet d’adresse de sa bonne copine, Maggy (Vittoria Scognamiglio haute en couleurs), en souvenir de leur jeunesse, quand elles étaient pauvres et belles. "Soyons ruinés comme des gens qui en ont les moyens", décrète tout à trac la trépidante Coco. "Eliminons les hommes mariés, je n'ai pas le temps de les faire divorcer !"Dès la première scène nos appréhensions s’envolent. Ardant est désarmante de naturel et de drôlerie. Pas de ces phrasés appuyés et grandiloquents qui lui ont parfois été reprochés, jamais de caricature ou d’outrance. Mais un second degré charmant et une douce mélancolie qui nous rappellent que ce boulevard là repose sur des départs fort peu comiques (ici un suicide).
Face à elle les hommes fondent bien sûr. Le couple formé avec Bernard Menez est croquignolet. Inattendu sur le papier, le couple fonctionne très bien. On reprochera simplement au comédien d’être un peu dévoré tout cru par sa partenaire. Ce qui finalement est un peu conforme à l’esprit de la pièce ! En valet amoureux de sa maîtresse, Pierre Rochefort tire son épingle du jeu, tout comme Michael Cohen en inspecteur de police dragueur.
Alex Baupain fait chanter les comédiens
Thierry Klifa qui signe la mise en scène (il dirige Fanny Ardant au théâtre pour la 3e fois) ne modernise pas vraiment cette comédie. On se croirait dans les fameux décors de Roger Harth estampillés ORTF. La belle idée est d’avoir commandé à Alex Baupain des chansons, à la fois graves et superficielles, pour les comédiensOn passe vraiment un bon moment avec cette grande dame, "orpheline de charcutier niçois", prête à tout pour échapper à ses origines sociales, assumant ses désirs avec liberté. Mais, évidemment, si Fanny Ardant n’était pas là…
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