Denis Podalydès signe d'étourdissantes "Fourberies de Scapin" à la Comédie-Française
Nous sommes à Naples, au fond d’une cale, "un cul de basse fosse" selon les mots d’Eric Ruf. Un escalier de chantier mène à la scène où traînent des filets, un casier de pêche. Dans le lointain, la mer, la silhouette d’un trois-mâts. Décor évocateur qui aurait ravi Molière, car Scapin est d’abord un personnage de la comédie italienne.
C’est l’histoire de deux fils de famille, Octave et Léandre. Octave s’est marié en secret avec Hyacinte, jeune fille pauvre au passé mystérieux. Or son père, de retour de voyage, veut lui en faire épouser une autre. Léandre, lui est tombé amoureux d'une Egyptienne, Zerbinette, enlevée par des bohémiens qui exigent une rançon. Craignant l'emportement de leurs pères respectifs les deux jeunes gens paniqués demandent de l’aide à Scapin. Car Scapin est un personnage ambigu, au probable passé de délinquant, et qui reste marginal dans la société.
Reportage : J. Mirande / N. Loncarevic / P. Guennegan / S. Sonder
Lavernhe est Scapin comme il respire
Benjamin Lavernhe dont c’est le premier vrai grand rôle à la Comédie-Française, est époustouflant. Il mène le jeu de bout en bout. Il est Scapin comme il respire. Avec un surprenant mélange de contrôle de soi et de constante vivacité. Aidé par son physique de grand échalas, il dessine un personnage dont on comprend bien l’attirance à dépasser les limites, qui le rapproche de Dom Juan.C’est toute l’intelligence de la mise en scène de Podalydès de nous laisser entrevoir cet aspect de la pièce, mais sans jamais négliger sa dynamique et sa dimension de farce.
La fameuse scène du sac restera dans les annales. Lorsqu’animé d’une folle envie de revanche, Scapin suggère à Géronte (formidable Didier Sandre) d'échapper à la fureur du spadassin en se cachant, Lavernhe-Scapin manipule, virevolte, invente des ennemis de toute part, contrefait sa voix, se métamorphose d’un geste, d’un regard. Et entre-deux, roue son maître de coups de bâtons. Du grand art.
Didier Sandre, suffoquant dans son sac, est balancé au dessus du public sans ménagement. Un jeune spectateur assis au premier rang est appelé en renfort pour frapper le vieil homme, doublement humilié. Sandre est absolument méconnaissable. Sale, grincheux, et maladivement avare, il joue façon bande dessinée, grommelant, grimaçant, dans la lignée d’un Christian Hecq. Il faut voir sa tête sortir du sac, de plus en plus amoché, perdu, incrédule.
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