Cet article date de plus de sept ans.

Denis Podalydès signe d'étourdissantes "Fourberies de Scapin" à la Comédie-Française

En faisant de Benjamin Lavernhe son Scapin, Denis Podalydès a visé dans le mille. Sa mise en scène si vive et précise, sa troupe, les décors d’Eric Ruf, les costumes de Christian Lacroix, tout est au diapason. Une merveilleuse soirée de théâtre, dédiée lundi 25 septembre, soir de première, à Gisèle Casadesus décédée la veille à 103 ans.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Adeline d'Hermy et Benjamin Lavernhe dans "Les Fourberies de Scapin"
 (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)

Nous sommes à Naples, au fond d’une cale, "un cul de basse fosse" selon les mots d’Eric Ruf. Un escalier de chantier mène à la scène où traînent des filets, un casier de pêche. Dans le lointain, la mer, la silhouette d’un trois-mâts. Décor évocateur qui aurait ravi Molière, car Scapin est d’abord un personnage de la comédie italienne.  

Les Fourberies de Scapin", Scénographie Eric Ruff
 (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)
C’est l’histoire de deux fils de famille, Octave et Léandre. Octave s’est marié en secret avec Hyacinte, jeune fille pauvre au passé mystérieux. Or son père, de retour de voyage, veut lui en faire épouser une autre. Léandre, lui est tombé amoureux d'une Egyptienne, Zerbinette, enlevée par des bohémiens qui exigent une rançon. Craignant l'emportement de leurs pères respectifs les deux jeunes gens paniqués demandent de l’aide à Scapin. Car Scapin est un personnage ambigu, au probable passé de délinquant, et qui reste marginal dans la société.

Reportage : J. Mirande / N. Loncarevic / P. Guennegan / S. Sonder


Lavernhe est Scapin comme il respire

Benjamin Lavernhe dont c’est le premier vrai grand rôle à la Comédie-Française, est époustouflant. Il mène le jeu de bout en bout. Il est Scapin comme il respire. Avec un surprenant mélange de contrôle de soi et de constante vivacité. Aidé par son physique de grand échalas, il dessine un personnage dont on comprend bien l’attirance à dépasser les limites, qui le rapproche de Dom Juan.

C’est toute l’intelligence de la mise en scène de Podalydès de nous laisser entrevoir cet aspect de la pièce, mais sans jamais négliger sa dynamique et sa dimension de farce. 
Didier Sandre est Géronte dans "Les Fourberies de Scapin"
 (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)
La fameuse scène du sac restera dans les annales. Lorsqu’animé d’une folle envie de revanche, Scapin suggère à Géronte (formidable Didier Sandre) d'échapper à la fureur du spadassin en se cachant, Lavernhe-Scapin manipule, virevolte, invente des ennemis de toute part, contrefait sa voix, se métamorphose d’un geste, d’un regard. Et entre-deux, roue son maître de coups de bâtons. Du grand art.

Didier Sandre, suffoquant dans son sac, est balancé au dessus du public sans ménagement. Un jeune spectateur assis au premier rang est appelé en renfort pour frapper le vieil homme, doublement humilié. Sandre est absolument méconnaissable. Sale, grincheux, et maladivement avare, il joue façon bande dessinée, grommelant, grimaçant, dans la lignée d’un Christian Hecq. Il faut voir sa tête sortir du sac, de plus en plus amoché, perdu, incrédule.

La direction d'acteur de Podalydès

Podalydès déploie aussi tout son art de directeur d’acteur. Gilles David est savoureux et burlesque en Arcante. Les deux jeunes hommes aux abois, sont incarnés avec ce qu’il faut d’arrogance et d’effroi par Julien Frisson (Octave) et Gaël Kamilindi (Léandre), Bakary Sangaré est touchant dans la peau du valet Silvestre, admiratif de Scapin. Quant aux deux jeunes filles éprises de liberté et pleines de fraicheur, elles ont les visages de Claire de la Rüe du Can et d’Adeline d’Hermy. Cette dernière, dans le rôle de Zerbinette, donne à la scène du rire une force et une férocité qui confine au malaise; lorsqu’elle raconte, sans savoir qu’elle s’adresse à Géronte, la duperie dont il est victime.  
Gilles David (Argante) face à Benjamin Lavernhe (Scapin)
 (Christophe Raynaud de Lage/Comédie-Française)
Pas une ombre à ce tableau où une dimension supplémentaire est donnée par la scénographie d’Eric Ruf et les costumes de Christian Lacroix. Mais c’est d’abord le plaisir du jeu et du texte qui l’emportent. La Comédie-Française, pleinement dans sa mission de faire découvrir et aimer le théâtre ! 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.