De l’amour du théâtre à celui pour l'autre, il n’y a qu’un pas que franchit "Le Paradoxe du désir" au Guichet Montparnasse
Le Paradoxe du désir d’Ana-Maria Bamberger, autrice d’Une nuit entière, en est la préquelle, non la suite. La pièce raconte ce qui a conduit à son écriture, depuis sa genèse jusqu'à sa création. Comme cette apparition d’un fantôme fait de projections dans l’avenir, d’espoir et de lutte, au parfum d’amertume, mais pleine de rires. À voir au Guichet Montparnasse, à Paris, jusqu’au 25 février.
Assis de dos sur quatre chaises, quatre personnages se retournent les uns après les autres, se lèvent, se rasseyent, devisant de leur prochaine pièce. Bientôt, l’injonction de Robert, metteur en scène, de faire d’Alice – second rôle – son assistante, provoque la jalousie d’Iris, qui tient la tête d’affiche. Anton, l’auteur, ne voit pas d’un mauvais œil cette nomination, alors que les sentiments qu’évoque sa pièce se mélangent avec ce qu’éprouvent les uns pour les autres tous les protagonistes. En naît un concert de malentendus, source de confusions multiples et risibles.
Beau verbe et humour
L’on désire toujours ce que l’on n’a pas est une lapalissade. Comme la philosophie est l’explication des évidences, Le Paradoxe du désir explore cet adage dans une pièce au verbe beau, à la dynamique alerte et pleine d’humour. En première ligne, Codrina Pricopoaia le porte haut ce verbe, d’un cabotinage de star assumé, exacerbé par son penchant pour Robert de 20 ans son cadet. Lui en pince pour Alice qui a des vues sur Anton. Aucun d’eux n’entre dans la bonne case.
Le Paradoxe du désir, avec ses quatre comédiens en quête d’une pièce, pourrait paraphraser les Six personnages en quête d’auteur de Pirandello. Mais l’auteur Ana-Maria Bamberger ne se situe pas du point de vue des personnages, elle opte pour celui des auteurs (écrivain et metteur en scène). Aussi prend-elle ce même angle quand une des deux comédiennes revendique son rôle de metteuse en scène par l’inflexion qu’à son jeu sur la pièce. La revendication de Robert à faire d’Alice son assistante va d’ailleurs dans ce même sens.
Inaccessible étoile
Le Paradoxe du désir explore l’art collectif qu’est le théâtre, sa hiérarchie et ses rivalités. Des paradigmes qui existent dans le spectacle en général, mais aussi au cinéma. Mais les planches gardent une dimension artisanale que perd le 7e art, dans l'esprit de troupe qui y persiste, et qui ressort avec l’interprétation des quatre comédiennes et comédiens sur scène.
Cet amour du "vivant" s’incarne dans les sentiments d’amour/haine qui habitent les personnages, avec leurs malentendus inhérents. Mais comme l’on brigue l’essence de l’art, l’on se brise les ailes contre cette "inaccessible étoile". L’acte créatif se confronte à des contrariétés constantes. Son processus dans Le Paradoxe du désir met en équation une réalisation et son origine, où se noue un mélange de confusions, de malentendus et d’empêchements, renouvelés et comiques. Les quatre comédiens les partagent avec une délectation qui comble le spectateur.
Le Paradoxe du désir
D'Ana-Maria Bamberger
Avec : Codrina Pricopoaia, Samy Rahal, Alexia Séféroglou, Geoffroy Vernin
Les vendredis et samedis à 19 heures, les dimanches à 15 heures
Théâtre Guichet Montparnasse
15 rue du Maine, 75014 Paris
Tel : 01 43 27 88 61
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