Christophe Honoré revisite le « Dialogue des carmélites »
L’histoire de ces religieuses guillotinées sous la Terreur pour avoir refusé de se plier à la loi révolutionnaire est a priori complexe à développer sur scène. Ce frottement de la religion catholique poussée à l’extrême dans son engagement au couvent face aux raisons d’un Etat républicain prend un sens aigu quelques mois après le débat national et les manifestations sur le mariage pour tous. Mais loin d’en faire un sujet hautement politique, Christophe Honoré va au bout du livret de Georges Bernanos dans l’introspection et l’engagement de chaque personnage.
Il place l’action dans un décor unique, une sorte de dernier étage d’un immeuble austère avec vue sur un quartier parisien et l’arrière d’une immense statue de la République, omniprésente durant tout l’opéra, symbole de cet extérieur, si loin et si menaçant pour ces nonnes retirées du monde.
Les costumes civils des personnages pourraient laisser penser que l’action est transposée en 1968. Mais la présence d’un ordinateur dans un coin de la scène brouille les pistes. Ici la situation dans le temps n’est pas l’essentiel. La direction du jeu des chanteurs et surtout des chanteuses qui constituent le cœur de l’œuvre souligne toute la tragédie et l’humanité exacerbée par cette partition.
La musique de Francis Poulenc, souvent proche de son Stabat Mater dans l’orchestration, porte toute la douceur et la spiritualité de cette histoire. L’orchestre emmené par Kazushi Ono accompagne avec chaleur et grandes nuances le travail des chanteurs sur le plateau. Pour beaucoup d’entre eux, il s’agit d’une prise de rôle. Leurs jeux dramatiques très intenses et leur diction parfaite, tous sont francophones, ajoutent à l’intensité de l’œuvre.
Hélène Guilmette dans le rôle de Blanche nous fait frémir par sa fragilité. Sabine Devieilhe, en sœur Constance, nous communique sa vitalité. Mais sans conteste c’est Sylvie Brunet-Grupposo à la voix si engagée et profonde qui donne à la mort de Madame Croissy cette dimension terrifiante du doute de la religieuse face à son dernier voyage.
Le doute, l’engagement, le courage et la solidarité sont chauffés à blanc tout au long de l’œuvre et en particulier au travers des exaltations de Blanche, de son entrée au Carmel à ses derniers pas pour rejoindre ses compagnes sur l’échafaud.
La mise en scène, la finesse du chant et la chaleur de l’orchestre projettent la vision de cet opéra pétri de catholicisme, bien au-delà de celle d’une histoire religieuse. C’est une histoire d’un fort engagement dans la vie, jusqu’à la mort. Une histoire d’humanité en somme.
« Dialogue des carmélites » de Francis Poulenc à l’opéra de Lyon jusqu’au 26 octobre.
Voir des extraits du "Dilaogue des Carmélites" ici
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