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Avignon : "Le Sec et l’humide" de Guy Cassiers où comment un langage conduit au fascisme

"Le Sec et l’humide" est une adaptation par Guy Cassiers d’un essai de Jonathan Littell, préparatoire à son roman "Les Bienveillantes". Un décryptage glaçant du style et de la force de la langue utilisée par Léon Degrelle, un wallon d’extrême droite qui a soutenu Hitler.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Le Sec et l'humide", une adaptation de Guy Cassiers
 (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)

Qui était Léon Degrelle

Léon Degrelle était le fondateur du Rexisme, un parti wallon d’extrême-droite des années 30, qui a soutenu Hitler. Il a développé, théorisé une idéologie fasciste qui a fasciné de nombreux Flamands, pensant qu’elle leur redonnerait une certaine fierté face aux francophones (plus riches) et valoriserait la Belgique.

Un pupitre au centre, un magnétophone à bande à sa gauche, une table face à une caméra à droite, sur un écran apparaît une couverture de livre, celui de Léon Degrelle "La Campagne de Russie", où celui-ci décrit son engagement dans la division SS Wallonie partie combattre sur le front de l’Est. 
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
Un historien à l’accent germanique entre et nous remercie de notre présence. Nous voilà dans la position d’un public assistant à une conférence sur Léon Degrelle, dont les discours vont être passés au crible.

Structurer le monde

En préambule l’historien rappelle que le fasciste ne connaît pas la psychanalyse freudienne, et ne s’est donc jamais constitué un "moi". Le fasciste a recours au dressage, à la discipline. Pour se structurer, il a besoin de structurer le monde.

Puis il fait l’édifiante démonstration que tous les thèmes se référant à l’idéal de Degrelle relèvent du sec : détruire, nettoyer remettre de l’ordre. Alors que l’humide, le flou, l’amorphe… c’est l’ennemi.

Vision manichéenne 

La démonstration est ponctuée d’extraits de discours de Léon Degrelle. Sa voix rauque, persuasive et grandiloquente glace par sa certitude et par les propos haineux qu’elle propage. Ainsi le cadavre bolchevik est décrit comme dégoulinant, visqueux, reptilien. Le fasciste en comparaison a le corps sec, droit, raide.
Peu à peu, alors que le magnétophone diffuse la parole de Degrelle, on a le sentiment presque imperceptible que les lèvres du conférencier s’animent à l’unisson. On se sait plus très bien qui prononce les propos fascistes : Degrelle ou l’historien…

Semer le trouble chez le spectateur

L’exposé se poursuit, et les visages ainsi que les deux paroles finissent par se confondre. Ce procédé de "voice follower" a été mis au point par l’IRCAM. Il permet de mêler la voix des deux hommes, et d’explorer la question que se pose Jonathan Littell : Qu’aurions nous fait pendant la seconde guerre mondiale, un monstre ne sommeille-t-il pas en nous ? 
  (Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon)
La démonstration aussi secouante et percutante qu’elle soit, est un peu elliptique pour le public français qui ne connaît pas aussi bien que les Belges la vie de Degrelle. On aurait aimé avoir davantage de clés de compréhension sur cet homme, que l’on voit à la fin du spectacle portant le même uniforme nazi en 1949 et en 1983. Car Léon Degrelle, sauvé, par Franco, a coulé des jours heureux en Espagne après la guerre…

Mais là ou Cassiers réussit à nous ébranler, c’est par sa manière subtile de démontrer comment l’évolution et la simple perception du langage, peuvent faire dériver des foules entières vers des systèmes redoutables.
 
 
Autre spectacle de Guy Cassiers à voir à Avignon : "Grensgeval" (Borderline) d’après Elfriede Jelinek, en collaboration avec la chorégraphe Maud Le Pladec qui traite de la question des migrants.
Les 18, 19, 20, 22, 23, 24 juillet à18h au Parc des expositions d'Avignon.


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