Avignon Off : "Le Cirque des Mirages" émerveille avec son récital fantastique
Jacques Brel gothique
Entrez, entrez dans le "Delusion Club" ! Un lieu très réservé aux figures les plus improbables : voyageurs sans bagages, doubles personnalités, écrivains fous, ventriloques… s’y croisent. Et si vous êtes dans la salle, c’est que vous n’êtes pas très éloignés d’eux. Le "Delusion Club" est l’endroit où la réalité revêt l’étoffe des rêves, ou des cauchemars.
Bienvenue donc dans ce tour de chant mené par Yanowski, un Jacques Brel gothique, dans son interprétation et son jeu de scène. Géant aux bras démesurés, sa stature, sa figure aux yeux charbonneux, soulignée d’une fine moustache, évoquent l’acteur spécialiste de l’horreur Vincent Price (inspirateur de Tim Burton et qui prêta sa voix ténébreuse au tube "Thriller" de Michael Jackson). Une expressivité doublée d’un talent exceptionnel, mis en musique au piano par son complice Parker, au croisement d’un Requiem et de la musique de cabaret.
Carnaval des horreurs
Les textes flamboyants racontent des personnages embarqués dans la dépravation et le crime du Londres victorien de Jack l’Eventreur, ou d’un Robert-Louis Stevenson ("Dr. Jekyll et Mr. Hyde"), d’Oscar Wilde ("Le Portrait de Dorian Gray"), ou de Bram Stoker ("Dracula"). Mais c’est à l’Américain Edgar Poe (qui vécut à Londres) que l’on pense spontanément. Et notamment à sa célèbre nouvelle "Le Cœur révélateur", avec son locataire meurtrier halluciné, dont chacun des protagonistes du spectacle serait une déclinaison. On pense aussi à Lovecraft et ses personnages déracinés dans des villages inquiétants de la Nouvelle-Angleterre, au contact de populations pratiquant des rites abjects.
Merveilleux conteurs, Parker et Yanowski nous embarquent dans un carnaval des horreurs, avec des textes issus de la poésie la plus noire. Elle est pimentée d’un humour du même tonneau (d’"Amontillado", pour reprendre le titre d’une nouvelle de Poe), pleine d’ivresse, où transpire la passion communicative pour un genre envers lequel Yanowski nous a confié avoir une passion sans limite. Cela se sent.
La mise en scène aux éclairage expressionnistes et parsemées de quelques projections plus abstraites qu’illustratives, colle au sujet et à l’ambiance évocatrice du fantastique des origines. Une représentation saluée spontanément par trois standing ovations, au rythme de trois rappels. Hallucinant !
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