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Avignon Off 2018 : présente dans "Louise", Nicole Calfan rêvait du festival depuis ses 14 ans
Pour Nicole Calfan, c’est une première. Actrice au théâtre, au cinéma, à la télévision, mais aussi écrivaine, Nicole Calfan est pour la première fois à Avignon. Un oubli (?) réparé dans le Off du festival, grâce à "Louise" de Grégory Barco, où la comédienne est époustouflante en femme qui se raconte, sa vie, ses amants, son fils… A fleur de peau, elle partage avec nous son Avignon à elle.
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"Louise"
Egérie du cinéma français dans les années 70, notamment aux côtés de Jean Yanne et d’Alain Delon, sociétaire de la Comédie-Française pendant six ans, on l’a vu récemment au théâtre dans le magnifique "Tartuffe" mis en scène par Michel Fau au côté de Michel Bouquet et on l’attend au cinéma le 29 août dans "Guy" d’Alex Lutz. Pour l’heure, elle est "Louise", au Théâtre de l’Arrache Cœur à Avignon. Un très beau rôle où une femme revient sur une vie tumultueuse. Entre prostitution et amour, elle fait défiler ses clients, ses amours, son fils dans un carrousel émouvant.Dans une chambre, entre son lit et sa maquilleuse, Louise se confie aux côtés de Bertrand Degrémont qui interprète tous les hommes de sa vie. La comédienne, d’une grande énergie sur scène, n’a rien perdu de sa beauté et de son talent. Nous l’avons rencontrée après une représentation. Cette fois, c’est l’actrice qui se confie.
Fière d’être ici
Culturebox : "Louise" est en quelque sorte la biographie d’une femme. Elle est une ex-prostituée et une femme de cœur. Sous l’ancien régime, on identifiait les actrices aux prostituées, et vous êtes comédienne. En même temps, quelle est la part de vous-même dans ce rôle ?Nicole Calfan : Pour moi, la prostituée, c’est le plus beau rôle. Quand je me souviens des films que j’ai vus, que ce soit Girardot dans "Rocco et ses frères", ou Signoret ("Casque d’or", NDLR), toutes ces femmes ont une force, un parcours… C’est Laurent Baffie qui m’a fait jouer aussi une prostituée dans "Jacques Daniel", décidemment ! Lui m'a confirmé que ce sont "les plus beaux rôles". C’est vrai qu’il n’y a pas de complaisance chez elles, ce sont des filles qui ne se plaignent pas, il n’y a pas de misérabilisme. Elle, Louise, se raconte et sous la direction de Grégory Barco, je me raconte au public avec une espèce de connivence qui s’installe, mais elle ne pleure pas sur elle-même. En fait, je vais vous dire, je ne suis pas une prostituée, mais je l’ai abordé avec moi, avec tout mon ressenti, il y a plein de choses qui concordaient avec ce que j’ai pu ressentir en moi et ce que j'ai aimé.
Culturebox : Vous êtes éclatante sur scène et votre voix, si particulière et grave, fait merveille.
N. C. : C’est parce que je fume depuis l’âge de 30 ans, pas plus, pas moins. Car avant, quand j’étais au Français, j’avais une voix très, très haut perchée, d’ingénue. Une anecdote très jolie : je jouais beaucoup au Français avec Geneviève Camus, puis elle vient me voir sur le Boulevard après le spectacle et me dit "mais cette voix, cette voix, dans ce petit corps, qu’est-ce que c’est sexy". Et je lui ai répondu "c’est parce que je fume" et elle me fait : "continue" !
C. : C’est votre premier Avignon, quelle impression cela vous fait d’être ici ? Comment abordez-vous ça dans le cadre de votre riche carrière ?
N. C. : En fait, je suis très fière d’être ici. Avignon c’était un rêve pour moi, un rêve de petite fille. A mes yeux, Avignon, c’était le TNP (Théâtre National Populaire créé par Jean Villard, NDLR), j’avais 13-14 ans, et c’était Jean Vilar, c’était Georges Wilson, Denner, des actrices comme Geneviève Page, c’était Gérard Philipe… Moi, j’étais au lycée à ce moment-là et je me disais "c’est ça le théâtre" et je suis passée en Avignon avec Rufus en tournée et on a fait une photo devant le Palais des Papes et je lui ai dit "c’est toi qui m’a ouvert la voie", et pour moi, c’est quelque chose de romantique. C’est un défi aussi, parce que c’est dur, c’est un marathon, mais en même temps, je m’y adapte très bien. Je donne des flyers, j’en ai toujours sur moi, on m’en réclame. Ce n’est pas jouer le jeu, c’est être intégrée. Il y a une énergie dans la rue, que je ressens, qui me nourrit.
C. : C’est un esprit de troupe, ce que vous évoquez-là.
N. C. : C’est un esprit de troupe, et moi, je viens de là quand même. Je viens vraiment de là.
C. : Depuis les années 2000, après comme une pause dans votre parcours, vous êtes de plus en plus demandée au cinéma comme au théâtre. Ce sont des auteurs jeunes qui se tournent vers vous, comme expliquez-vous cet appel de leur part ?
N. C. : Ce sont ces jeunes gens qui viennent à moi. C’est cela qui est incroyable. Par exemple, c’est Alex Lutz, dont le film "Guy" sort cet été, et qui est un film formidable, qui est venu me voir. Farrugia, j’ai tourné avec lui l’année dernière… Ce sont des nouvelles familles. J’ai commencé par Philippe Lellouche ; j’ai fait son premier film, cela m’a apporté aussi un bain de jouvence, et puis cela s’est enchaîné, comme ça, dans des rôles pas forcément principaux, mais des rôles qui ont dû marquer, c’est prétentieux, mais cela a dû faire plaisir je crois. Aujourd’hui, je suis là-dedans, et je me retrouve dans des troupes, à nouveau.
C. : Votre attente d’Avignon quand vous aviez 14 ans, correspond-elle à ce que vous vivez aujourd’hui ?
N. C. : Ah non, ce n’est pas confortable ce que l’on vit aujourd’hui. On est plusieurs dans une loge, les spectacles se succèdent, d’autres arrivent après nous, il fait très, très chaud, mais maintenant la clim est réglée. D’ailleurs tous mes copains que je croise à Avignon, on a tous la même obsession, "à quelle heure tu joues et est ce qu’il y a la clim ? La question n’est même pas "qu’est-ce que tu joues ?". C’est sportif quand même, il faut de l’endurance. Je ne peux pas vous dire que cela se fait comme ça d’un claquement de doigt. Je peux vous dire que je n’ai vu que deux spectacles ou trois depuis que je suis ici, "Juste la fin du monde", monté par des amis, "Kamikazes" que j’ai adoré, d’ailleurs Anne Bouvier (metteuse en scène de la pièce) était là ce soir, et j’ai vu "Noces", parce que ce sont mes camarades qui jouent. Mais sinon, je suis obligée de m’économiser parce que le texte est très, très dur. Et comme je dis toujours, on ne rentre pas sur scène, comme on entre dans un bistrot. Ce n’est pas possible.
C. : A ce propos, j’aime beaucoup quand on entre dans une salle de théâtre voir que l’acteur est déjà sur scène, comme c’est le cas dans "Louise", alors que les spectateurs s’installent.
N. C. : C’est une idée de Grégory (Barco).
C. : Que pense le comédien ou la comédienne à ce moment-là ?
N. C : Je prie.
C. : Vous priez Dieux, vous priez pour le spectacle se passe bien ?
N. : Oui, les deux bien-sûr. Je pense à mes parents, hier je jouais pour Pierre Etaix (avec lequel elle a joué dans "Le Grand Amour" qu’il a réalisé en 1969, NDLR). Demain je vais jouer pour Jacques Deray ("Borsalino", 1970, NDLR)…
C. : Mais dès que la lumière se fait, vous êtes dans le rôle tout de suite.
N. C (avec humour) : C’est un énorme travail !... L’improvisation est un énorme travail.
C. Aujourd’hui c’est "Louise" et quels sont vos prochains projets ?
N. C. : Nous aimerions que notre "Louise" vienne à Paris. C’est notre objectif numéro 1. Et le reste, on verra…
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