Avignon : Clémentine Célarié "Dans la peau d'un noir"
« Je suis née en Afrique noire, j’y ai vécu douze ans, et me sens africaine… plus noire que blanche" déclare Clémentine Célarié dans sa note d'intention. La voici donc métamorphosée en homme noir, sous la direction de son fils Abraham Diallo qui signe la mise en scène. Seule au monde avec sa valise, elle expérimente la peur, la honte, la fraternité parfois, dans un décor minimaliste où la comédienne sait occuper tout l’espace. Nous retrouvons Clémentine Célarié, à la sortie du théâtre archi-comble en ce deuxième jour de représentation. Entretien avec une comédienne exubérante, excessive et génereuse.
Sophie Jouve : C’est la lecture du livre "Dans la peau d’un noir" qui est à l’origine de ce spectacle ?
Clémentine Célarié : J’avais 14 ans, j’étais en Bretagne, c’est Maman qui m’a donné ce livre. Cette histoire m’a bouleversée. J’ai toujours été poursuivie par l’incidence de la couleur de la peau. Je me suis toujours demandé ce que ça faisait en vrai d’être noir dans le regard de l’autre. J’en ai parlé à mon fils ainé, ou à des copains noirs. Quand tu vois un blanc, est-ce que tu vois tout de suite quelque chose dans ses yeux qui te l'indique ? Mes copains me disent que tout de suite il voit ce petit truc, c'est horrible. Ce bouquin me poursuivait, je l’ai fait lire à mes enfants, à tous les gens que j’aime.
Et puis la maturité a ça de bon qu’elle vous ramène à vous, à ce que vous êtes, à ce que vous avez envie de faire profondément. Et je me suis dit que je devais être cet homme là. En fait j’avais envie d’être noire à travers lui. Profiter de son expérience. Il faut dire que l’année dernière le combat était encore plus fort, parce qu’il y avait un environnement pour ne pas dire un gouvernement qui n’allait pas dans le sens de ce regard solidaire. Aujourd’hui il y a comme une légitimité d’aller vers l’acceptation de l’autre. C’est merveilleux. Je suis étonnée de voir autant de monde dans la salle. Ça me touche que l’on soutienne ce genre de spectacle.
Vous savez que je me suis engagée dans la campagne présidentielle. Du coup j’ai envoyé un texto aujourd’hui, ça va vous paraitre surréaliste ce que je vais vous raconter, à Manuel Valls. Je suis respectueuse, je ne suis pas du tout politique. Mais comme j’avais son portable, j’avais la possibilité de dire merci et de lui proposer s’il passait à Avignon de venir voir le spectacle. Et il m’a répondu. C’est génial. C’est vrai que j’adorerais que le président vienne avec sa compagne, car je sais que ça lui plaira. J’ai envie de le jouer partout, dans les prisons, dans les cités. C’est extraordinaire ce qu’à fait Griffin, c’est incroyable.
Qu’est ce qui vous attire à Avignon ?
En fait je suis une boulimique de la création. On me le reproche un peu, mais j’ai besoin de créer des choses nouvelles. Et puis ce voyage dans la peau d’un homme, dans la peau d’un noir c’est encore plus excessif, plus difficile, il faut travailler tous les jours. Et puis j’aime les rituels, ce Théâtre du chien qui fume et ses combats. Avec ce spectacle, nous venons de vivre nos deux plus belles journées au festival.
La pièce "Dans la peau d'un Noir" a été créée cet hiver, en résidence à Avignon, et présentée en avant première en novembre :
"Dans la peau d'un noir" au Théâtre du Chien qui fume, avec Clémentine Célarié. Mise en scène : Abraham Diallo.
à 19h, jusqu'au 28 juillet
75 rue des Teinturiers
Tél : 04 90 85 25 87
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