"Il n'y a pas de recours possible contre eux" : des utilisateurs de Viagogo racontent les arnaques dont ils ont été victimes
L'UFC-Que Choisir a annoncé mardi avoir déposé une plainte, après avoir recueilli des centaines de témoignages contre les pratiques "frauduleuses et agressives" du site de revente de billets en ligne Viagogo. Ce n'est pas la première fois que le site se retrouve ainsi épinglé...
Il y en a eu des procédures, en 14 ans d'existence du site fondé à Londres. Viagogo fut d'abord une bourse de revente de billets pour événements culturels et sportifs, plutôt bien vue, nouant même des partenariats avec de grands événements comme le tournoi de Roland-Garros. Mais rapidement, les fraudes s'accumulant, Viagogo est devenu un prédateur. Accords dénoncés, réputation sulfureuse, et condamnation judiciaire même en 2011, après une plainte du festival des Vieilles Charrues. La plainte de l'UFC-Que choisir n'est que le dernier épisode en date.
Les exemples sont légion, comme celui d'Annie, qui voulait aller voir Phil Collins en concert : "Je me suis dit que j'allais prendre deux places à 100 euros et en fait, il s'ajoutait des frais et ça montait jusqu'à 264 euros". Elle a rapidement déchanté : "La banque m'a dit qu'étant donné que la plateforme était basée en Suisse, la Suisse ne faisant pas partie de l'Europe, il n'y avait pas de recours possible contre cette plateforme".
Beaucoup de reproches
Nombreux sont les utilisateurs à avoir acheté sur Viagogo de faux billets. Le site joue aussi avec les nerfs des acheteurs, affichant des chronomètres oppressants, ou insistant sur la rareté supposée des places. Jeanne a travaillé comme hôtesse à l'AccorHotels Arena de Paris et a vu bien des cas se présenter à elle.
Si la contrefaçon passe une fois, après le vrai billet ne peut plus passer
Jeanne, ancienne hôtesse d'accueil
Ensuite, les prix astronomiques, sur lesquels le site s'octroie une large commission, des frais parfois fictifs et une TVA imaginaire dans certains cas. Un exemple parmi tant d'autres : ce mardi soir, le groupe américain The Strokes joue à l'Olympia, petite salle au vu de leur popularité. Cinq minutes après la mise en vente des places il y a deux semaines, certains billets dépassaient les 1.000 euros, pour une valeur faciale de 70 euros.
Pierre, lui, a perdu 900 euros pour un match de football : "J'ai reçu des billets moins de 18 ans, qui coûtaient 12,94 euros... J'ai essayé de joindre Viagogo, impossible d'avoir une adresse. On s'est présentés au stade, quand on est passés au scan on n'est pas rentrés puisque c'était des moins de 18 ans et pour la plupart on avait plus de 50 ans..."
Oubliez ce site, qui est vraiment de la pure arnaque !
Pierre
Viagogo n'est pas responsable de certains prix, mais le site facilite l'existence d'un système de revente frauduleuse avec de larges bénéfices à la clé. Et ce même si l'attitude de certains gros producteurs de spectacles pose également question : beaucoup de concerts très attendus, par exemple, affichent complet avant même la mise en vente. Organisation de la pénurie et spéculation vont bon train dans le secteur.
Des idées pour lutter contre le système ?
Depuis dix ans, Viagogo s'est adapté aux différentes législations, il est aujourd'hui présent dans 70 pays. Mais le site domicilié fiscalement dans le très avantageux Etat américain du Delaware n'a pas beaucoup changé ses pratiques, ou à la marge. En France, la justice a donc frappé à quelques reprises. Au niveau mondial la FIFA a porté plainte en juin 2018 suite à la mise en vente pour la Coupe du Monde en Russie. En France, le syndicat des producteurs de spectacles, le Prodiss, a également lancé une procédure.
Yes. Read it. 10% of all Tix reserved for charity. 100% of money above base price on each ticket goes to charities in that city. Charity price fluctuates to counter scalping. When we have final numbers will list charities. Over $3m raised for charity in first 48 hrs. https://t.co/ynAbtrSQT0
— Tom Morello (@tmorello) February 15, 2020
La réponse viendra peut-être de plateformes s'affichant plus vertueuses, Dice par exemple, à peine arrivée sur le marché français et revendiquant des pratiques beaucoup plus sécurisées. Il y a enfin le rôle des artistes eux-mêmes : le groupe Rage Against The Machine, qui vient d'annoncer sa tournée de reformation, expérimente une idée intéressante. Pour chaque date, il préempte 10% des places et les revend un peu plus cher, l'excédent servant à financer des associations caritatives dans chaque ville ; le groupe a déjà récolté plus de quatre millions d'euros (voir le tweet du guitariste-fondateur Tom Morello ci-dessus). Cela n'empêche pas les prix de gonfler artificiellement, mais c'est sans doute une idée à creuser...
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.