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Dieudonné et Patrick Cohen : enquête ouverte pour incitation à la haine raciale

Le parquet de Paris a ouvert lundi une enquête préliminaire pour "incitation à la haine raciale" sur les propos antisémites de Dieudonné visant le journaliste de France Inter Patrick Cohen, a-t-on appris de source judiciaire.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Temps de lecture : 7min
Dieudonné sur la scène du théâtre de la Main d'or
 (PATRICK KOVARIK / AFP)

Le parquet de Paris, à qui Radio France avait signalé ces faits, a confié l'enquête à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), a précisé la source judiciaire.

En décembre, un reportage de "Complément d'enquête" sur France 2 montrait Dieudonné s'en prendre au journaliste de France Inter, lors d'un spectacle à Paris, en lançant : "Quand je l'entends parler, Patrick Cohen, je me dis, tu vois, les chambres à gaz... Dommage." Dieudonné attaque régulièrement Patrick Cohen depuis que le journaliste a demandé en mars à Frédéric Taddeï, sur le plateau de "C à vous", s'il continuerait à inviter "des personnalités telles que Tariq Ramadan, Dieudonné, Alain Soral, Marc-Edouard Nabe (...) que les autres médias n'ont pas forcément envie d'entendre".

"Qu'une enquête soit ouverte à l'égard d'un multirécidiviste du racisme, proche de (l'historien révisionniste) Robert Faurisson et de Jean-Marie Le Pen, lorsqu'il regrette les chambres à gaz, c'est plutôt sain", a réagi à l'AFP l'avocat de Radio France Me Richard Malka. "Il faut maintenant espérer une condamnation financière lourde, car c'est la seule chose qui inquiète vraiment" Dieudonné, a poursuivi l'avocat, jugeant que "c'est quelqu'un qui se dit anti-système mais qui a les deux pieds dans le système financier".

L'avocat de Dieudonné, Me Jacques Verdier, a déclaré à l'AFP que le chef d'incitation à la haine raciale n'était "absolument pas justifié" et que son client "se défend(ait) de manière générale et globale de tout antisémitisme". Il a fait valoir "le contexte" dans lequel les propos étaient tenus, "un spectacle où les gens rient". "Et le rire, c'est la possibilité d'être dans l'outrance, l'énormité, l'absurde", a-t-il ajouté.

La "quenelle", un salut qui choque

La polémique a enflé ces derniers jours à la suite de cette vidéo de France 2 et d'une multiplication de "quenelles" exécutées un peu partout et y compris dans des lieux de mémoire ou celle, récente, faite par le footballeur Anelka à Londres après un but lors d'un match de son club, West Bromwich Albion.

Ce geste inventé par Dieudonné, "bras d'honneur inversé contre le système" pour ses soutiens, est considéré par d'autres comme un geste antisémite, "un salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah" selon Alain Jakubovicz, président de la LICRA. 

Environ 200 personnes s'étaient rassemblées samedi soir à Paris en soutien à l'humoriste controversé, dont le ministre de l'Intérieur Manuel Valls veut interdire les spectacles. Manuel Valls, qui s'apprête à adresser une circulaire aux préfets en vue d'éventuelles interdictions de ses spectacles. François Hollande a apporté son soutien au ministre dimanche depuis Ryad. Il sera toutefois difficile de faire interdire les spectacles de Dieudonné, en raison du droit très protecteur de la liberté d'expression en France.

Le député UDI Meyer Habib s'est insurgé lundi, lundi sur Twitter, contre la "quenelle" effectuée par Nicolas Anelka, et a promis de déposer une proposition de loi pour "pénaliser ce nouveau salut nazi pratiqué par des antisémites".
Dieudonné déjà plusieurs fois condamné

L'humoriste controversé a été condamné fin novembre en appel à 28.000 euros d'amende pour diffamation, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale pour des propos et une chanson dans deux vidéos diffusées sur internet. Dans l'une des vidéos incriminées, il transforme la chanson d'Annie Cordy "Chaud cacao" en "Shoah nanas". Dieudonné soutient que la chanson fait en réalité référence à des "Chauds ananas".

Il était aussi poursuivi pour avoir affirmé que "les gros escrocs de la planète, ce sont des juifs" dans une interview sur un site qui se présente comme ayant pour mission "d'éveiller la conscience des musulmans".

Les réactions politiques se multiplient

Geoffroy Didier, secrétaire général adjoint de l'UMP : "Ca fait plusieurs années que Dieudonné ne me fait plus rire, ce qui pour un humoriste est un peu gênant. Il a créé ce business autour d'une dérive sectaire selon laquelle il existerait un complot juif. Ce qu'il dit, notamment sur les chambres à gaz, sont des provocations misérables et donc méprisables. Tout ce qu'il dit est moralement insupportable et pas forcément pénalement condamnables (...) Manuel Valls est tombé dans le panneau en faisant de la publicité gratuite à un provocateur qui ne demandait que cela. Le rôle d'un ministre de l'Intérieur n'est pas d'agiter les peurs (...) Je ne soutiens pas Manuel Valls." (sur Europe 1)

L'ancien secrétaire d'Etat UMP et sénateur Roger Karoutchi, à propos d'une formule de Dieudonné évoquant les chambres à gaz à propos du journaliste Patrick Cohen : quand Dieudonné "dit qu'il est anti-sioniste et pas antisémite, je n'ai pas souvenir que 'chambres à gaz' soit anti-sioniste. C'est de l'antisémitisme primaire et au-delà. Toutes les déclarations, tous les gestes vont dans ce sens. Quant au grand débat : faut-il interdire les spectacles, je ne sais pas si le ministre de l'Intérieur en a le pouvoir juridique (...) A lui de dire s'il veut un texte supplémentaire. Mais je pense que dans un pays suffisamment compliqué, soumis à la crise, l'espèce d'interprétation de la quenelle, il faut que ça s'arrête." (sur France Info).

Florian Philippot, vice-président du FN : "Je défends un principe extrèmement clair en république : la liberté d'expression et l'état de droit." "Un autre humoriste a traité tous les électeurs du Front national de 'fils de pute'. On est allé devant la justice, il y avait une diffamation, on a gagné. Mais jamais, il ne nous a effleuré l'esprit de demander l'interdiction de ses spectacles. C'est comme ça la liberté d'expression : on accepte ce qui nous plaît et ce qui nous plaît pas." (sur BFMTV et RMC).

Alain Rodet, député-maire PS de Limoges, a estimé lundi que si le ministre de l'Intérieur Manuel Valls n'était pas "en mesure d'empêcher les spectacles de Dieudonné", lui-même s'opposerait à la venue dans sa ville de l'humoriste, le 25 janvier prochain, "par tous les moyens" légaux, sous une forme "qui reste à définir".

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