"Délirium", la réalité augmentée du tourbillon Jean-Marc Massie
Il arrive, en pleine forme et déjà en sueur, comme tout le monde ce soir-là à Avignon. La salle est pleine, une quarantaine de places. Ce n'est pas la plus confortable de la ville, mais on oublie rapidement le manque de moelleux du banc.
"Tiens, hier soir, il faisait aussi chaud". Et il y avait nettement moins de monde. Cinq personnes, nous dit-il. Vrai ou faux, on l'ignore, mais on embarque dans son récit. Une petite dame a fait un malaise, gros coup de chaud, elle est sorti très vite avec son mari. Plus que trois. Et ceux qui restaient n'avaient pas l'air beaucoup plus vaillants. Cette spectatrice de 70 ans environ, notamment. Elle transpirait tellement qu'on s'attendait à la voir fondre et disparaître. Et la voilà qui sort à son tour, avec son amie. Il ne reste plus qu'une personne dans la salle, enfin deux avec l'artiste.
"Qu'est-ce que je fais", angoisse Jean-Marc Massie. "Bon, je suis pro, un spectateur est encore là, alors je joue. Mais pour tous les deux, ça devient bizarre, on est très mal à l'aise. Lui, il sue, il sue, il perd un kilo par seconde, moi ça ne va pas non plus. Alors d'un coup, pour tout arrêter, j'ai simulé un malaise, je me suis étendu de tout mon long, le spectateur est parti et on m'a évacué."
Voilà c'est parti, et ça ne s'arrêtera que dans une heure. "La vie s'occupe d'improviser à ma place" sourit le Québécois. Avec une logique unique mais imparable, tout s'enchaîne. Le poivrot du bistrot du coin, le gala à la "salle multi-fonctionnelle" du Portel, les coups de foudre, les anti-dépresseurs, les voyages à Florence, la famille, la Gaspésie et les ancétres amérindiens.
D'un coup on se demande comment il nous a emmené jusque là, sans transition, tout naturellement. On y réfléchira plus tard, car on vient de rentrer dans une pharmacie parisienne (il produit un accent français délicieux) où tout le personnel a enfilé des masques, le croyant contagieux. Deux minutes plus tard, il nous raconte son trip au LSD et l'armoire à pharmacie de sa mère qui filerait une overdose à Keith Richard lui-même.
Si on ne rit pas forcément à chaque instant, l'aventure est très drôle et joliment poétique. Les points de départ sont toujours parfaitement crédibles mais à chaque fois, on glisse sans s'en apercevoir vers le suréalisme. Jean-Marc Massie est un sacré conteur, plein de créativité. Son spectacle, qui file à une vitesse folle, le distingue de la grande majorité de ces stand-ups qui souvent sentent le déjà vu. Il a encore le temps de nous dire que sa mère est une ancienne religieuse carmélite et c'est fini. Déjà ?
Jean-Marc Massie "Délirium"
théâtre Le Castelet 113 rue de la Carreterie à Avignon
Chaque soir jusqu'au 26 juillet
Réservations : 06 11 21 58 77
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