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L’éclectisme inspiré de Jiri Kylian à l’opéra Garnier

L’Opéra Garnier nous propose une riche soirée Jiri Kylian, grand maître de la danse européenne. En ouverture, une pépite, "Bella Figura" (1995), suivie de deux entrées au répertoire : "Tar and Feathers" (2006) et "Symphonie de psaumes" (1978), une de ses premières pièces. Un heureux panaché du talent du chorégraphe d’origine Tchèque (jusqu'au 31 décembre).
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Alice Renavand et Laëtitia Pujol dans Bella Figura
 (Ann Ray / Opéra national de Paris)

Aurélie Dupont, la nouvelle directrice de la danse, nourrit une affection particulière pour Jiri Kylian, sa danse musicale et sensuelle, respectueuse des corps. Alors en apprenant la défection de Benjamin Millepied attendu avec son hommage à Barbara, elle s’est tournée vers Kylian qu’elle a tant aimé danser.

Reportage : N.Berthier, JC.Duclos, J.Michaan, F.Mazzega


4 étoiles pour l'ultra sensuel "Bella Figura"

Quel bonheur de découvrir "Bella Figura" (1995), pièce phare au répertoire du ballet de l'Opéra de Paris depuis 2001, mais qui n’avait pas été donnée depuis 2006. C’est une profession de foi ultra sensuelle de Kylian, qui joue sur l’ambiguïté de la représentation, au théâtre et dans la vie. "Bella figura" signifie faire bonne figure en italien, et c’est ce qu’attend le chorégraphe de ses danseurs.

Des danseurs déjà sur scène alors que le public s’installe. Échauffement, début de la représentation ? Soudain éclate la musique, une danseuse seins nus (l'étoile Alice Renavand), jaillit du rideau écarlate qui drape son corps mais qui pourrait tout aussi bien l’aspirer, la faire disparaître.
Alice Renavand au centre
 (Anne Deniau/Opéra national de Paris)

Sur de magnifiques partitions des XVIIe et XVIIIe siècles dont on distingue le "Stabat Mater" de Pergolese ou le concerto pour deux mandolines et cordes de Vivaldi, Kylian mêle techniques classique et contemporaine pour composer de somptueux duos. Hommes et femmes, à égalité, expriment forces et faiblesses dans une gestuelle extrêmement fluide ponctuée de sorte d’arrêts sur image où l’on profite alors pleinement de l’élégance des danseurs.
Dorothée Gilbert et Alessio Carbone 
 (Anne Deniau/Opéra national de Paris)

Aurélie Dupont a concocté plusieurs distributions. À la première, aux côtés d’Alice Renavant : Eleonor Abbagnato, Laetitia Pujol ou Alessio Carbone, les deux derniers assez peu vus sous l’ère Millepied, étaient aériens. Vingt-cinq minutes de toute beauté qui s’achèvent par un rituel : les danseurs à demi nus, vêtus de jupes rouges en corolle, emportés dans une danse qui rappelle les derviches tourneurs.

L'âpre et tourmenté "Tar and Feathers"

Ambiance radicalement différente avec "Tar and Feathers" ("Le goudron et les plumes"), un titre qui fait référence à une humiliation du Far West américain. Cette pièce, l’une des plus récentes du chorégraphe (2006), est âpre, tourmentée, s’inspirant d’un poème de Beckett.
Tar and Feathers
 (Anne Deniau/Opéra national de Paris)

Un piano en élévation, comme monté sur échasses, domine la scène de plusieurs mètres. La pianiste d'origine japonaise Tomoko Mukaiyama joue le concerto n°9 de Mozart qu'elle tord et déforme au point d’en faire une nouvelle composition. Il y a aussi ces grognements de chiens sauvages que semblent pousser les danseurs tiraillés entre pesanteur et légèreté.  Pour tout décor (en noir et blanc) un rocher en papier bulle.
 
Une œuvre qui nous aura laissé un peu perplexe, où l’on retrouve Dorothée Gilbert entourée notamment d’Aurélia Bellet, Lydie Vareilhes et Josua Hoffalt.

Les danses d'ensemble de l'emblématique "Symphonie de psaumes"

"Symphonie de psaumes", ballet emblématique, parmi ceux qui lancèrent le chorégraphe, clôt la soirée. Ici les danses d’ensemble (16 danseurs) s’inscrivent dans un espace rectangulaire borné par des prie-Dieu.
  (Anne Deniau/Opéra national de Paris)

Les danseurs traversent le plateau sans relâche, les bras tournés vers le ciel. Des lignes qui parfois se brisent pour laisser les individualités s’exprimer, tel Marie-Agnès Gillot et Hugo Marchand dans un très beau duo.
Marie-Agnès Gillot et Hugo Marchand
 (Anne Deniau/Opéra national de Paris)

La musique est de Stravinski, inspirée des Psaumes de la liturgie orthodoxe : en fond de scène une myriade de tapis orientaux suspendus renforce la connotation spirituelle du ballet. 

Une soirée passionnante en ce qu’elle donne à voir toute la variété de l’œuvre de Kylian, dont la plupart des pièces ont été créées à Amsterdam, au Nederlands Dans Theater dont il fut directeur puis chorégraphe pendant 34 ans.

La saison prochaine, l’opéra de Lyon accueillera Kylian pour une résidence de trois ans. Le chorégraphe qui ne veut plus créer de nouveaux ballets y fera rayonner son répertoire et sa nouvelle passion pour la vidéo et la photo. Lui qui se nourrit de tous les arts et revendique son éclectisme.


Deux ballets pour les fêtes de fin d'année
Kylian à Garnier
Le Lac des cygnes à Bastille


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