La vie des favelas et la danse brésilienne portée par Alice Ripoll dans "Zona Franca" au CentQuatre-Paris
"Boom chacha, boom chacha", voici l’inoubliable rythme de la brazilian funk qui fait danser les jeunes Brésiliens. On l’entend avant même de s’installer dans la salle du CentQuatre à Paris. Les danseurs de la compagnie brésilienne Suave tape sur des tambours et des tambourins en chantant d’entraînantes chansons en portugais. Ils tapent des mains, bougent les épaules. On a envie de les rejoindre et de se mélanger à leur joie communicative.
Ce spectacle de la chorégraphe brésilienne Alice Ripoll, prends le nom de Zona Franca, une zone franche "liée à l’idée de franchise, de sincérité, mais aussi à l’idée de friche, d’un espace inexploré", explique Alice Ripoll dans un entretien. Ce spectacle est un mélange de multiples danses brésiliennes modernisées. Profondément lié au Brésil et aux favelas, les quartiers les plus pauvres de Rio dont viennent de nombreux danseurs de la compagnie, le spectacle "fait éprouver des émotions (la vulnérabilité, un sentiment d’imprédictibilité) que nous avons tous en partage", ajoute Alice Ripoll.
Xaxado et passinho
D’imposants ballons noirs suspendus au-dessus des danseurs font office de boules à facettes. La fête continue, les danseurs courent en essayant de s’envoler. Leurs corps sont comme possédés, incontrôlables. Ils vibrent, claquent contre le sol. Les pas résonnent sur le sol, une pratique que l’on retrouve dans le xaxado, une danse folklorique brésilienne aux inspirations militaires, qui tire son nom du bruit des pas des hommes après une bataille.
Au rythme des dynamiques sonorités du baile funk, teintés d’influences afros, les danseurs se lancent dans des remarquables danses synchronisées. Ils incarnent un mélange de danse contemporaine et de passinho, danse née dans les favelas de Rio de Janeiro au début des années 2000 qui mêle breakdance, frevo, jeux de jambes ou samba. Alice Ripoll ne fait pas que combiner des pas. Elle intègre les expériences personnelles de ses danseurs. "Ils sont privés de tout ce que le gouvernement aurait dû leur offrir : un accès à l’éducation, aux soins médicaux… Donc j’ai choisi de détourner la question et de partir de leur point de vue, et, plus précisément, d’une expérience ordinaire pour eux : les contrôles de police qu’ils subissent en raison de la couleur de leur peau", ajoute la chorégraphe.
Danser avec gaîté
L’ensemble du spectacle est d’une fraîcheur décoiffante. Les danseurs impressionnent par leur performance physique. Ils donnent une leçon de danse : chaque membre, muscle ou articulation est en mouvement. Les grands écarts se multiplient. On reconnaît bien sûr la capoeira, danse iconique du Brésil, avec des mouvements proches des techniques de combat comme les uppercuts. Un combat symbolique pour les danseurs, car cette danse proche du sport, aide les jeunes Brésiliens à sortir de la drogue, de la délinquance et de la violence.
La mise en scène est marquée par les ballons qui explosent et libèrent une pluie de confettis. Alice Ripoll fait un clin d’œil au maculele, une danse traditionnelle surtout pratiquée par les capoeiristes. Un danseur s’empare d’un bâton, le "lele", et éclate les ballons. La musique détonne et les danseurs multiplient les pas de samba qui signifie "danser avec gaieté". Une danse extravagante qui permet de célébrer les minorités brésiliennes profondément attachées à la danse de rue. Des danses et des musiques populaires qui laissent sans voix, tant la performance physique est impressionnante.
"Zona Franca" d'Alice Ripoll jusqu'au 11 novembre au CentQuatre-Paris avec le Festival d'Automne 2023
Durée estimée : 1h
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