La Biennale de la Danse s'offre une ouverture choc avec "John", de Lloyd Newson
Comme les précédents spectacles de Lloyd Newson, "John" est un verbatim, frontal et sans concession. Une fois encore, il fait cohabiter le verbe et le corps. Au départ, le chorégraphe a interrogé 50 hommes avec des questions franches sur l’amour et la sexualité. Parmi ces 50 hommes, il y a eu la rencontre avec John qui porte une histoire à la fois insupportable et touchante.
Les hommes sont des marionnettes tenues par de fragiles ficellesBasé sur un récit linéaire, "John", nous plonge dès sa naissance dans un univers sombre où la violence, l’alcool, la drogue et le crime sont le lot quotidien.
Le danseur se débat dans un monde qui tournoie. Autour de lui, il y a ce décor mobile fait de cases vides, ces êtres dénués d’humanité, cette violence lancinante. Les mots et les corps, eux, racontent la déchéance vertigineuse.
Peu à peu, on voit et on écoute John se débattre face à la perte des êtres chers. La langue sans détours qui retranscrit le récit "d’un mauvais garçon" nous le rend attachant. Les corps sous substances illicites tissent une histoire faite d’injustices et de mépris.
Et puis, Lloyd Newson, par la voix de ses neuf interprètes nous transporte dans l’univers sulfureux d’un sauna gay. La lumière se fait plus chaude, le charleston entraîne les danseurs dans un corps à corps charnel, le ton est plus léger, parfois drôle, franchement provocateur. Car "John" comme Lloyd Newson explore tous les territoires, expose les différences, dénonce l'indifférence. "Les gens choisissent de ne pas savoir" dira un des clients du sauna. La langue et le corps contenus
"DV8", prononcé "deviate" en anglais nous dévie d’un chemin trop bien tracé. Les corps sont cognés, les esprits bousculés, Lloyd Newson aborde sans tabou les interrogations tragiques d’une société contemporaine désoeuvrée. Drogue, viol, abandon, SIDA, la mort s'invite dans la vie de John d'une manière franchement sale, au-delà de la tristesse.
Les neuf interprètes de "John", pleinement engagés dans ce discours d'un grand réalisme, livrent sur le plateau une puissante performance physique.
Pendant une heure et demie, le danseur Hannes Langolf qui porte "John" nous livre une longue confidence (en anglais surtitré) au phrasé parfait. La pièce s'achève dans la même ambiance, calme et tendue, laissant le spectateur sans voix.
Epuisé, l'homme s'allonge et respire puissamment car John aimerait juste trouver l'amour et rester "posé là".
"John" par la Compagnie DV8 physical Theatre de Lloyd Newson à la Maison de la danse de Lyon jusqu’au 12 septembre 2014 - déconseillé aux moins de 16 ans.
A voir bientôt en Live sur Culturebox, quatre spectacles de la biennale : "La traversée" de Nacéra Belaza, "Leda", de Rodrigue Ousmane, "Création 2014" d'Ambra Senatore et "Planités", de Patricia Apergi.
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