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"Kalakuta Republik" : Fela Kuti revit dans une transe chorégraphique à Avignon
Musicien emblématique africain, nigérian, très engagé politiquement, entre-autres contre la corruption généralisée de son pays, connu pour ses frasques sulfureuses avec les femmes, l’alcool et la drogue, Fela Kuti est un mythe. Ce sont toutes ses facettes qui composent "Kalakuta Republik", du chorégraphe Serge Aimé Coulibaly, création donnée à Avignon.
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Le Shrinne
D’origine burkinabée, Serge Aimé Coulibaly a puisé à la source de son engagement politique, dans son pays natal, le sujet de sa dernière création. Son titre se réfère à la résidence de Fela, dans la banlieue de Lagos, lieu qu’il considérait comme une république indépendante au milieu de la dictature nigériane.Sur la scène du merveilleux Cloître des Célestins d’Avignon : six danseurs et danseuses sagement alignés semblent en prière. Ils sont en attente d’un maître, d’un leader, d’un chef d’orchestre, qui arrive bientôt, alors que résonne une musique inspirée de celle de Fela, composée par Yvan Talbot. Le décor minimaliste – un canapé, un écran de projection, des tapis, des chaises, des tables négligemment disposés - évoque le "Shrinne", lieu hybride, à la fois temple et night-club, où se déroulaient de grand-messes "fela-kutiennes", lieu de transgression politique et dionysiaque.
Cérémonies libertaires
Sous l’impulsion de l’afrobeat, rythme fusionnel au croisement du funk, du jazz, de la musique africaine et traditionnelle nigériane - créée par Fela -, les danseurs enchaînent une marche contestataire. Des images de manifestations, de violences répressives et de guerres évoquent la situation africaine et nigériane des années 70. Un contexte qui perdure. Cette première partie du spectacle se clôt sur une sorte d’acmé revendicatrice, les danseurs virevoltent dans un désordre organisé, libérateur et jouissif qui introduit un second temps où va se condenser la chute d’un empire.Loin d’être une chorégraphie "biopic" de Fela Kuti, "Kalakuta Republik" n’en évoque pas moins la nature ambivalente du maître de musique africain. Musicien multi-instrumentiste, compositeur, interprète et chanteur, incarnation politique de la libération du peuple nigérian, Fela fut aussi l’homme de tous les excès. Cette deuxième partie les condense dans l’évocation d’une fête, telle qu’en a connu le Shrinne. Une bacchanale orgiaque, où les femmes se le dispute, où l’alcool coule à flot et où la cocaïne est déversée sur le sol comme pour tracer un chemin de perdition.
Perdition, pas pour tout le monde. Car ces grandes cérémonies libertaires demeurent l’incarnation de la libération des consciences contre le carcan dictatorial nigérian, en sous-main manœuvré par les grandes compagnies internationales pétrolières. Les danses frénétiques ne marquent aucune pause, les tables, les chaises volent, les corps exultent sous une musique de transe, qui restera à jamais le ferment d’une révolution en instance, qui ne demande qu’à éclater.
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