Cet article date de plus de neuf ans.
Au Théâtre du Rond-Point la "Carmen" flamboyante de Dada Masilo
On a découvert Dada Masilo l’an dernier avec « Swan Lake », bouleversante version du « Lac des Cygnes ». Aujourd’hui elle propose une « Carmen » qu’elle incarne elle-même, sur la musique de Bizet mais aussi de… Rodion Chtchedrine (d’après Bizet), compositeur d’une « Carmen » (en 1974) dansée par Maia Plissetskaia!
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Dans la « Carmen » de Dada Masilo il y a une scène saisissante et magnifique entre Escamillo et Don José, le toréador et le soldat qui se disputent Carmen. Dans une lumière d’arène, encerclés par tous les danseurs, garçons et filles, en costume noir et chemise blanche, Escamillo, en grande tenue de toréador, et Don José, en taureau, torse nu, la chair à vif, s’affrontent une ultime fois. Dada Masilo retourne l’histoire de « Carmen » comme elle retournait l’histoire du « Lac des Cygnes » dans un moment d’une émotion rare, émotion qui manque un peu par ailleurs, c’est notre seule réserve. Mais quelle belle danse, quelle grâce et quelle énergie !
Il y a deux manières d’assister à cette « Carmen ». En amoureux de l’opéra, admirant l’invention avec laquelle les airs trouvent leur traduction chorégraphiée aussi insolente que belle à l’œil. En amoureux de la danse, appréciant combien Masilo et ses danseurs, inventent, imposent un univers en se nourrissant, en se revendiquant de grands maîtres et de différents styles. Une Pina Bausch, une Trisha Brown, une Carlson, une Keersmaeker, ont fait cela auparavant et c’est tout le mal qu’on souhaite aujourd’hui à la jeune sud-africaine.
Une fluidité exemplaire
Dada Masilo –robe rouge, crâne rasé et rose collée à la tempe, dos nu lacé, les muscles du dos saillants- s’appuie constamment sur les fondamentaux, enchaînant de manière naturelle une extension, jambe haut levée, venue de la tradition classique, un déhanchement (corps vers la droite, bras et tête à gauche) pris au hip-hop, un ensemble « buste maintenu-claquement des doigts-talons martelés- emprunté au flamenco (Carmen oblige), une promenade (de tous les danseurs) avec ruptures de rythmes, changement de sens, rotations puis jetés à terre, qui renvoie à la chorégraphie américaine, à Jerome Robbins surtout et à son « West Side Story » auquel on pense forcément par l’histoire racontée, cette « Carmen » de séduction, de moquerie, de cruauté, de violence sociale (terribles humiliations pour José et Micaëla quand ils croient trop aux sentiments). Le mélange de tous ces styles pourrait faire bric-à-brac. Mais par l’élégance, le talent, l’énergie, le je-ne-sais-quoi et cette connaissance intime de la danse, par une manière, aussi, assez exotique pour nous et que l’on va appeler africaine, de danser, ce spectacle construit, imaginatif et poétique est d’une fluidité exemplaire.
Manière africaine. Qu’on soit clair : on n’est pas sur le terrain, d’ailleurs, de haute qualité, de la street dance, du « Stomp » des mineurs sud-africains ou de la danse ethnique (autrefois on disait folklorique) On est, en Afrique, sur le terrain de la danse pratiquée par les plus grandes compagnies de ballet du monde. Mais avec une assise différente, plus arrimée au sol. Cette « autre » façon de vivre le ballet participe de notre bonheur. Dada Masilo aime Carmen parce qu’elle est tellement méchante. Elle est tout ce que maman vous dit de ne pas être. Donc c’est géniale d’être vilaine et de s’amuser avec ce personnage ». Ce n’est pas vraiment la vision qu’on avait de la « Carmen » de Bizet mais cela change aussi la caractérisation des protagonistes. Don José, séducteur et macho, pour finir victime, défendu par le splendide Xola Willie (sa « Fleur que tu m’avais jetée », entre classique et flamenco, est éblouissante) Micaëla, sage dans sa longue robe jaune, candide et déterminée dans son merveilleux duo avec José, qui a la grâce et la précision de Refiloe Mogoje. Escamillo, bon garçon avec sa cape rose et jaune et la douceur et l’ironie de Thabani Ntuli : on vous donne leurs noms, ils le méritent mille fois mais ces rôles tournent, vous en aurez d’autres ou… les mêmes, ils sont tous épatants. On attend maintenant Dada Masilo revisitant d’autres classiques, « Coppélia à Johannesburg » ou « Soweto et Juliette » et on y sera, parmi les premiers.
« Carmen » au Théâtre du Rond-Point
De et avec Dada Masilo
Jusqu’au 10 janvier 2015 à 18 heures 30
2 bis avenue Franklin Roosevelt, Paris VIIIe
Tél : 01 44 95 98 21
Tournée jusqu’au 15 février à Annecy, Besançon, Oyonnax, Blagnac, Alès, Toulon, Mâcon, Aix-en-Provence
Une fluidité exemplaire
Dada Masilo –robe rouge, crâne rasé et rose collée à la tempe, dos nu lacé, les muscles du dos saillants- s’appuie constamment sur les fondamentaux, enchaînant de manière naturelle une extension, jambe haut levée, venue de la tradition classique, un déhanchement (corps vers la droite, bras et tête à gauche) pris au hip-hop, un ensemble « buste maintenu-claquement des doigts-talons martelés- emprunté au flamenco (Carmen oblige), une promenade (de tous les danseurs) avec ruptures de rythmes, changement de sens, rotations puis jetés à terre, qui renvoie à la chorégraphie américaine, à Jerome Robbins surtout et à son « West Side Story » auquel on pense forcément par l’histoire racontée, cette « Carmen » de séduction, de moquerie, de cruauté, de violence sociale (terribles humiliations pour José et Micaëla quand ils croient trop aux sentiments). Le mélange de tous ces styles pourrait faire bric-à-brac. Mais par l’élégance, le talent, l’énergie, le je-ne-sais-quoi et cette connaissance intime de la danse, par une manière, aussi, assez exotique pour nous et que l’on va appeler africaine, de danser, ce spectacle construit, imaginatif et poétique est d’une fluidité exemplaire.
Manière africaine. Qu’on soit clair : on n’est pas sur le terrain, d’ailleurs, de haute qualité, de la street dance, du « Stomp » des mineurs sud-africains ou de la danse ethnique (autrefois on disait folklorique) On est, en Afrique, sur le terrain de la danse pratiquée par les plus grandes compagnies de ballet du monde. Mais avec une assise différente, plus arrimée au sol. Cette « autre » façon de vivre le ballet participe de notre bonheur. Dada Masilo aime Carmen parce qu’elle est tellement méchante. Elle est tout ce que maman vous dit de ne pas être. Donc c’est géniale d’être vilaine et de s’amuser avec ce personnage ». Ce n’est pas vraiment la vision qu’on avait de la « Carmen » de Bizet mais cela change aussi la caractérisation des protagonistes. Don José, séducteur et macho, pour finir victime, défendu par le splendide Xola Willie (sa « Fleur que tu m’avais jetée », entre classique et flamenco, est éblouissante) Micaëla, sage dans sa longue robe jaune, candide et déterminée dans son merveilleux duo avec José, qui a la grâce et la précision de Refiloe Mogoje. Escamillo, bon garçon avec sa cape rose et jaune et la douceur et l’ironie de Thabani Ntuli : on vous donne leurs noms, ils le méritent mille fois mais ces rôles tournent, vous en aurez d’autres ou… les mêmes, ils sont tous épatants. On attend maintenant Dada Masilo revisitant d’autres classiques, « Coppélia à Johannesburg » ou « Soweto et Juliette » et on y sera, parmi les premiers.
« Carmen » au Théâtre du Rond-Point
De et avec Dada Masilo
Jusqu’au 10 janvier 2015 à 18 heures 30
2 bis avenue Franklin Roosevelt, Paris VIIIe
Tél : 01 44 95 98 21
Tournée jusqu’au 15 février à Annecy, Besançon, Oyonnax, Blagnac, Alès, Toulon, Mâcon, Aix-en-Provence
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