Cet article date de plus de trois ans.

A la tête du Théâtre National de Chaillot, Rachid Ouramdane souhaite inscrire la danse "là où on ne l'attend pas"

Aux frontières de la danse et du documentaire, il n'a cessé pendant 25 ans d'explorer des questions comme l'exil ou l'identité : à 49 ans, Rachid Ouramdane, qui prendra dès le 5 avril les rênes du Théâtre de Chaillot à Paris, veut inscrire la danse "là où on ne l'attend pas".

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Le danseur et chorégraphe Rachid Ouramdane, nommé directeur du Théâtre National de Chaillot. (JOEL SAGET / AFP)

A peine nommé à la tête du Théâtre de Chaillot, et alors que les établissements culturels sont fermés pour cause de crise sanitaire, pas de répit pour le chorégraphe Rachid Ouramdane qui doit d'ores et déjà réfléchir à l'organisation des futures représentations alors que des travaux sont prévus, dès l'année prochaine, dans la salle Jean Vilar, 1 200 places. La seconde, Firmin Gémier, en compte 390.

"On va essayer d'investir le bâtiment dans son entièreté, jouer avec tous les espaces, afin d'éviter de vivre ces travaux comme une amputation du théâtre", esquisse-t-il dans un entretien à l'AFP.

Lui qui s'était d'abord destiné à des études de biologie ne s'est jamais imaginé chorégraphe et encore moins à la tête de cet emblématique théâtre national, le seul dédié à la danse en France. "Tout s'est fait de fil en aiguille", assure-t-il.

S'inspirer du réel 

"Je ne me suis jamais dit : ça y est, je veux être danseur. J'ai juste poursuivi des études scientifiques tout en m'intéressant à la danse et en me laissant guider par le plaisir", poursuit-il. Un plaisir qui l'emmènera jusqu'au Centre national de danse contemporaine d'Angers, d'où il sortira diplômé en 1992. De fil en aiguille donc, celui qui codirigeait depuis 2016 le Centre national chorégraphique de Grenoble avec le circassien Yoann Bourgeois, a construit une oeuvre chorégraphique singulière, avec des dizaines de créations saluées en France et à l'étranger.

Son obsession : populariser l'art chorégraphique avec "des choses qui débordent du milieu artistique". En d'autres termes, aller chercher l'inspiration dans "le réel", qu'il soit aux pieds des tours à Gennevilliers (banlieue parisienne), dans des foyers de mineurs étrangers ou en rencontrant des réfugiés climatiques chinois. Tel un documentariste, il explore dans ses créations des sujets comme l'identité.

Une thématique qui fait écho à sa propre histoire, lui, né de parents algériens. A travers des récits personnels, dont le sien, il cherche à "raconter l'histoire collective". Comme dans Loin (2009) où, seul sur scène, dans une danse tortueuse, et grâce à des entretiens filmés avec sa mère et des exilés vietnamiens, il interroge la notion d'exil. Dans Surface de réparation (2007), il brosse les portraits intimes de jeunes de banlieue parisienne, deux ans après les émeutes de 2005.

La danse "là où on ne l'attend pas"

"En faisant rencontrer des publics qui n'ont rien à voir ensemble on construit du lien. Et pour moi le premier objectif de l'art chorégraphique c'est de créer des rencontres inattendues afin de voir comment l'art du mouvement rencontre d'autres mondes", souligne-t-il. Si la rencontre fait partie de son éthique de travail, comment faire pour, à l'inverse, attirer encore plus de monde vers cette institution centenaire, dont l'ADN, tel que Jean Vilar l'avait imaginé, était justement la démocratisation de la culture ?

"J'ai toujours dit que c'était un leurre de penser qu'on va trouver une solution et qu'ensuite les gens vont venir. Il faut d'abord aller les chercher, puis entretenir cette relation; ce n'est pas juste sensibiliser les personnes et créer une nouvelle habitude, c'est pas comme ça que ça se passe", insiste-t-il.

Sur la plan chorégraphique, il se place dans la continuité de Didier Deschamps, son prédécesseur, qui a fait la part belle à diverses esthétiques de la danse contemporaine. Avec une ambition : l'inscrire "là où on ne l'attend pas". "Il y a celles qu'on connait déjà avec les grands noms de la danse, les grandes compagnies internationales, les gens qui expérimentent. Mais on fera aussi la place aux danses vernaculaires et aux danses du monde (...)", détaille-t-il. "Ce qui est important, c'est de voir comment tous ces secteurs chorégraphiques se frottent à la réalité du monde".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.