Dix choses à savoir sur "Les Misérables", la comédie musicale culte d'après Victor Hugo, de retour à Paris

Écrite par deux Français, Alain Boublil et le compositeur Claude-Michel Schönberg, ce musical triomphe dans le monde entier depuis bientôt 30 ans. Il revient à Paris dans une toute nouvelle production, mise en scène par Ladislas Chollat.
Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
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Répétition de la comédie musicale "Les Misérables" sur la scène du théâtre du Châtelet en novembre 2024 (THOMAS AMOUROUX)

Cinquante-deux représentations sont programmées jusqu'au 2 janvier 2025 sur la scène du Théâtre du Châtelet à Paris. Que faut-il savoir de la comédie musicale Les Misérables et du roman qui l’a inspirée ? En guise de mise en bouche, avant la première très attendue, mercredi 20 novembre, nous avons sélectionné dix informations surprenantes sur cette œuvre, sous toutes ses formes.

1 Le roman de Victor Hugo est né d'un adultère

En 1845, Victor Hugo a 43 ans. Après la mort de sa fille Léopoldine, il reprend goût à la vie dans les bras d'une jeune femme de 25 ans, Léonie Biard. Elle est mariée à un peintre qui la soupçonne d'être volage. Pour la confondre, il la fait suivre et le 5 juillet 1845, dès l’aube, un policier débarque dans une garçonnière située passage Saint-Roch, à Paris. Les deux amants sont au lit, en flagrant délit d’adultère, chose avec laquelle on ne badine pas à l’époque. La jeune femme est conduite à la prison Saint-Lazare où elle passera plus de deux mois avant d'être transférée dans un couvent. Victor Hugo a la chance de pouvoir invoquer l’immunité que lui confère son statut de pair de France et s’enferme chez lui pour éviter l'opprobre. Pour occuper son temps, il se lance alors dans l’écriture d’une grande fresque qu'il intitule d'abord Jean Tréjean puis Les Misères.

2 "Les Misérables" ont fait sa fortune

La première édition du livre, parue le 30 mars 1862, s’est écoulée à 100 000 exemplaires, chiffre colossal pour l’époque. Lorsque paraît la deuxième partie, le 15 mai, on frôle l’émeute à Paris devant la boutique de l’éditeur Pagnerre. Les gens veulent connaître sans attendre la suite des mésaventures de Jean Valjean, l’ancien bagnard au grand cœur, du policier Javert, son ennemi juré et de la pauvre Cosette, maltraitée par les Thénardier, les parents de Gavroche. Le biographe Jean-Marc Hovasse raconte que dans certains ateliers, les ouvriers se cotisaient pour acheter le roman et tiraient au sort l’ordre de lecture. Il sera l’un des premiers livres à bénéficier d’une sortie mondiale dans une douzaine de capitales.

Ce qui peut sembler paradoxal c'est que ce pavé de 1 500 pages dénonçant la misère du peuple a considérablement enrichi son auteur. Hugo avait signé avec l’éditeur belge Albert Lacroix, venu le rencontrer sur son lieu d’exil, à Guernesey, un contrat mirobolant de 240 000 francs-argent, l’équivalent de 600 000 euros. Il utilisera cette manne pour faire restaurer sa maison et construire sur le toit son fameux lockout, une pièce entièrement vitrée où il écrivait debout. Le romancier attribue aussi une dot à sa fille Adèle et investit le reliquat en actions de Bourse. Un comble !

3 Avant la comédie musicale, il y eut un album

Alain Boublil raconte que c'est en assistant à Londres au spectacle Oliver Twist, d'après Dickens, qu'il eut l'idée d'adapter le roman de Victor Hugo en comédie musicale. Avec son complice, le compositeur Claude-Michel Schönberg, il décide d'écrire "quelque chose ayant la structure d'un opéra avec des musiques et des paroles des années 80". L'aventure commence par la sortie d'un double album en 1980. Parmi les interprètes, on trouve Rose Laurens (Fantine), Adamo (Combeferre), Michel Sardou (Enjolras) ou encore Michel Delpech (Feuilly). Le disque se vendra à plus de 300 000 exemplaires.

4 Robert Hossein a sauvé le projet

L'idée de monter une comédie musicale sur ce thème difficile ne suscite pas l'enthousiasme des producteurs, tant s'en faut. Le directeur de la radio Europe 1 conseille alors aux deux amis de s'adresser à Robert Hossein, spécialiste des mises en scène à grand spectacle. Lorsqu’ils arrivent au rendez-vous, ce dernier leur dit d'emblée qu’il ne peut rien pour eux mais qu'il est curieux d'entendre ce qu’ils ont fait des Misérables. Schönberg se met au piano et chante. Deux heures plus tard, Robert Hossein s’exclame : "Votre opéra, les p’tits gars, je vais vous le monter ! ".

Le spectacle arrive au Palais des Sports de Paris le 17 septembre 1980 avec une partie des artistes ayant enregistré le disque. Les deux Michel, Sardou et Delpech, sont remplacés par d’autres interprètes. L’orchestre compte 28 musiciens, comme dans les plus grands shows sur Broadway. Cette première production attire près de 500 000 spectateurs en quatre mois mais ne part pas en tournée, Robert Hossein refusant de prendre l’avion ! Pour Les Misérables, tout s'arrête.

5 Le spectacle renaît de ses cendres à Londres

Le spectacle a déjà quitté l’affiche en France quand Cameron Mackintosh, producteur britannique de la comédie musicale Cat's, écoute le disque par hasard. Convaincu du potentiel de l’œuvre, il contacte Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg et leur dit : "Vous ne réalisez pas ce que vous avez écrit !". Pendant deux ans, ils multiplient les allers-retours à Londres et retravaillent entièrement le spectacle avec lui, repartant pratiquement de zéro.

"Nous avons vécu un rêve, racontent-ils, en côtoyant les plus grands génies de la comédie musicale anglo-saxonne." Le 8 octobre 1985, Les Misérables sont présentés à Londres en anglais puis à Broadway, à New York, le 12 mars 1987. Un plateau tournant, révolutionnaire pour l’époque, permet de passer de l’un à l’autre côté des barricades. Les spectateurs sont transportés par les mouvements de foule et les chants repris sur scène par une quarantaine de comédiens.

6 "Les Misérables" ont fait sauter le standard

Alain Boublil raconte qu’au lendemain de la première, les critiques se sont montrés féroces : "Il y a pire qu’un mauvais musical : un musical français", "une collection de chansons seulement bonnes pour l’Eurovision". Cameron Mackintosh essaie alors de contacter le théâtre pour savoir où en sont les réservations. En vain car le standard a sauté. En une matinée, près de 5 000 billets auraient été vendus.

Cité par Vanity Fair le 13 mai 2024, Claude-Michel Schönberg raconte que le spectacle a eu la meilleure des attachées de presse : Lady Di en personne. La princesse, emballée par cette comédie musicale dramatique en forme d’opéra, a fait des "déclarations dithyrambiques" dans la presse. Chose rare, la longévité des Misérables poussera certains critiques à revoir leur opinion. Le journaliste du Daily Mail Jack Tinker écrira même un article intitulé : "Mea culpa".

7 Certains titres sont devenus des hymnes politiques

La comédie musicale fait un bref retour à Paris en 1991 au Théâtre Mogador mais sans remporter le même succès qu’à l’étranger. L’une des chansons des Misérables, I Dreamed a Dream, chantée par le personnage de Fantine, est même devenue un tube international, éclipsant sa version française : J’avais rêvé d’une autre vie. La veille de l’investiture de Bill Clinton aux Etats-Unis en 1993, Aretha Flanklin l’interprète lors du gala présidentiel en commençant par ces mots évoquant la phrase de Martin Luther King : I had a dream ("J’avais un rêve").

Un autre titre, Do you Hear the People Sing ? devient l'hymne des insurgés de par le monde : on l'entend en Turquie lors du mouvement de protestation de 2013, en Ukraine sur la place Maïdan de Kiev en 2014 ou encore en 2019, lors des manifestations pro-démocratiques à Hong Kong. Les participants entonnent : "Entends-tu le peuple chanter ? Chanter les chansons des hommes en colère ? C’est la musique d’un peuple qui ne sera plus jamais esclave." Ils expriment ainsi leur refus de voir leur territoire passer sous emprise totale de Pékin. 

8 "Les Misérables" ont battu tous les records

Si l’on en croit ses créateurs, c'est la comédie musicale la plus jouée de tous les temps. Et Alain Boublil d'ajouter : "Si on y réfléchit, on a du mal à le porter sur les épaules, heureusement, on n’y réfléchit pas souvent". À Broadway, le spectacle a gardé l’affiche pendant seize ans. À Londres, Les Mis se jouent de façon ininterrompue depuis 39 ans, ce qui fait plus de 15 000 représentations. Le spectacle a déjà été joué dans 442 villes du monde et plus d'une cinquantaine de pays. Traduit en 22 langues, il a aussi remporté 160 prix internationaux parmi les plus prestigieux : Oliver, Tony, Grammy, Academy Awards, Golden Globe... En France, il a obtenu un Molière et la Victoire de la musique du meilleur spectacle musical en 1992.

9 Le livre a été adapté maintes fois au cinéma

En 2013, Les Misérables triomphent aussi sur grand écran dans l’adaptation de Tom Hooper avec Anne Hathaway dans le rôle de Fantine et Hugh Jackman dans celui de Jean Valjean. La France n’apprécie guère ce remake mais au niveau mondial, les recettes au box-office explosent, atteignant 442 millions de dollars. Nommé huit fois aux Oscars, le film remporte trois statuettes, dont celle de la meilleure actrice dans un second rôle pour Anne Hathaway. Bien avant cela, en 1897, ce sont les frères Lumière qui les premiers s’attelèrent au chef-d’œuvre de Victor Hugo, tournant de petites scènes avec les principaux personnages. Une cinquantaine d’adaptations suivront avec des acteurs de renom : Harry Baur en 1933, Jean Gabin et Bourvil en 1957, Gérard Depardieu, Lino Ventura ou encore Jean-Paul Belmondo dans le film réalisé par Claude Lelouch en 1995. Le réalisateur Ladj Li, dans une version aussi personnelle que percutante, remettra le titre du roman à l'affiche en 2019.

10 Les Français pourraient enfin s'enflammer

La France, dernier bastion ayant résisté à la force des Misérables, version comédie musicale, est-elle sur le point de céder ? Peut-être, si l'on en croit la billetterie. Les places pour les représentations au Théâtre du Châtelet se sont vendues comme des petits pains. La plupart des dates affichent déjà complet. Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg, appuyés par le producteur Stéphane Letellier et le metteur en scène Ladislas Chollat, sont confiants, les comédies musicales ayant fini par trouver leur public dans l'Hexagone ces dernières années. Le propriétaire des droits, Cameron Mackintosh, a un peu traîné la patte mais il a fini par accepter cette nouvelle production avec des textes en partie remaniés par rapport à la version anglaise. Les décors et les costumes ont été fabriqués par les ateliers du Châtelet. Si le succès est au rendez-vous, une tournée suivra. Toute la troupe croise déjà les doigts.

Répétition de la comédie musicale "Les Misérables" sur la scène du Théâtre du Châtelet, à Paris, en novembre 2024 (THOMAS AMOUROUX)

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