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Marier tous les arts... Le chorégraphe Rachid Ouramdane donne le ton de sa présidence à la tête du Théâtre de Chaillot en deux jours de fête

Faire sortir le théâtre des salles, rendre le spectateur actif, et encourager les collaborations entre artistes, voilà les maîtres mots de Rachid Ouramdane, à la tête du théâtre Chaillot depuis avril dernier. Il a amorcé ses premiers pas en matière de programmation, ces samedi 18 et dimanche 19 septembre, en invitant une quarantaine d’artistes à présenter leur travail.

Article rédigé par franceinfo Culture - Camille Bigot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les acrobates de la compagnie XY, dans la grande salle du Foyer de la danse.  (BENJAMIN MENGELLE)

Dans l'immense Foyer du Théâtre Chaillot, une musique techno retentit. Provient-elle d’une des salles de spectacle ? Non, de l’un des nombreux escaliers du Palais, où évolue la troupe de danseurs de Johanna Faye. Sur un rythme entêtant, les corps se déhanchent frénétiquement, ceux des artistes, mais aussi, plus timidement, du public. Soudain l’un des spectateurs s’emporte, ses gestes sont plus rapides, saccadés, ses voisines le remarquent, éclat de rire en reconnaissant un des artistes qui s’est habilement dissimulé parmi la foule. 

Effacer la frontière entre public et artistes 

La frontière entre interprètes et public est délibérément brouillée : "Le spectateur n’est plus seulement un observateur assis, il participe aux représentations ", se réjouit Rachid Ouramdane, nouveau directeur du théâtre, arrivé en avril dernier. Sur dix propositions, deux formations ont présenté des déambulations, invitant les spectateurs à les suivre dans le labyrinthe Chaillot. Ils marchent à côté des danseurs, voire entre eux, à l’image d’une spectatrice, perdue, qui s’est retrouvée… sur la scène ! Ils dansent aussi, comme à la fin de la pièce de Johanna Faye : des couples composés d’artistes et de spectateurs se forment sur des swings endiablés. Délivrance, après des mois marqués par la distanciation sociale.

"Trouver un autre territoire d'expression"


"Avec nos prestations, nous voulons montrer à quel point le toucher est important", souffle Tuk Frederiksen, membre de la Compagnie XY, associée au théâtre. A travers des portés acrobatiques, la cinquantaine de circassiens ne cesse de se confronter, se soutenir, s’escalader… Tout de noir vêtus, ils dévalent les marches de l’Escalier central du théâtre de manière aérienne. Portés par leurs partenaires, certains membres de la compagnie s’élancent tête la première, leurs corps ondulant dans les airs avant de retoucher terre. Chaque recoin de la pièce est utilisé, murs compris. "L’idée est de montrer que le théâtre peut vivre au-delà des salles, trouver un autre territoire d’expression", explique Rachid Ouramdane qui a travaillé en collaboration avec la compagnie.

Les acrobates de la Compagnie XY, en bas de l'Escalier Paris.  (BENJAMIN MENGELLE)

L’architecture du palais est sublimée par chacune des prestations : dans la cage de l’escalier Passy, le danseur, Faustin Linyekula, profite de la proximité de deux murs parallèles pour projeter des vidéos. D’un côté des images de son Congo natal, de l’autre, une vidéo de lui maculé de lettres de peinture blanche qui forment les noms de pays colonisateurs. Au milieu, Faustin Linyekula danse devant les spectateurs installés sur les marches. A moins d’un mètre de l’artiste, impossible de ne pas être troublé par ses convulsions. Son spectacle, My body, My archive, porte bien son nom : l’interprète semble revivre, par le corps, le passé tumultueux de son pays.

Un homme qui marche sur un fil 


Rachid Ouramdame va jusqu’à faire sortir la danse de l’enceinte même du théâtre, avec le funambule Nathan Paulin. Le jeune homme de 27 ans a rejoint, samedi et dimanche, le Théâtre Chaillot depuis la Tour Eiffel, en marchant sur une slackline plus fine qu’un ticket de métro. Au total, il a réalisé une traversée plus de 600 mètres de long, à une hauteur de 70 mètres, sous les encouragements de passants admiratifs. Parmi eux, le directeur de la Tour, Patrick Banco Ruivo, "j’ai observé le début de la traversée depuis notre structure, et j’ai couru ensuite jusqu’au Théâtre pour l’arrivée", confie-t-il. Selon l’athlète, cet exploit est indéniablement "un bon moyen de faire vivre le patrimoine, de montrer les bâtiments sous un nouveau jour."

Nathan Paulin durant sa traversée.  (BENJAMIN MENGELLE)

Pas de doute, "il existe un lien entre la danse et ma discipline". Le funambule a collaboré avec Rachid Ouramdane sur son spectacle Corps Extrêmes, qui sera donné en juin 2022. Le chorégraphe y analyse la fascination pour les notions d’envol, ou encore d’apesanteur, mais aussi la sensibilité des athlètes, voltigeurs et acrobates. Il travaillera également sur ce projet avec des sportifs de la Compagnie XY. "Il y a cette envie de transversalité, d’artistes qui collaborent", souligne Rachid Ouramdane. Ultime démonstration de ces coopérations : le chanteur Malik Djoudi, qui était en concert samedi soir à la Salle Firmin Gémier, avait pour décor du clip de sa chanson, 2080, le Théâtre Chaillot.

Le premier spectacle de la saison, Planet [wanderer], est d'ailleurs né d'une rencontre entre le plasticien Kohei Nawa et le chorégraphe Damien Jalet. Ensemble, ils proposent un savant mélange entre matière et danse. Sur scène, le sol est recouvert de sable noir scintillant que les interprètes façonnent selon leurs envies. Entre fond sous-marin et planète Mars, le spectateur se demande quel est cet espace où la gravité terreste semble avoir disparu. 

Un danseur sur la scène du spectacle Planet [wanderer], de Kohei Nawa et Damien Jalet.  (Rahi Rezvani)

Dans ce bâtiment qui a tout connu - deux Expositions universelles, en 1878 et 1937, et la signature de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948 - le chorégraphe Rachid Ouramdane veut insuffler une nouvelle vie marquée par la diversité des artistes qu’il compte y accueillir. Grand écart réussi. 

Planet [wanderer] au Théâtre national de Chaillot
Jusqu'au jeudi 30 septembre
1 Place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75016 Paris
01 53 65 31 00

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