Bartabas est Charlie dans "On achève bien les anges"
Le maître écuyer était resté dans l'ombre de sa troupe Zingaro pendant presque mille représentations et ne se produisait qu'à de rares occasions ou dans le cadre de son spectacle solo, Golgota, créé en 2013. "J'avais décidé de ne plus être physiquement en piste afin de pouvoir me consacrer à l'Académie" du spectacle équestre de Versailles, explique-t-il.
Il revient aujourd'hui en artiste désabusé, clochard trébuchant, parfois la corde au cou ou aveugle, se laissant guider par un cheval dans un cimetière de signes religieux. "Les évènement de Charlie Hebdo m'ont bouleversé", alors "j'ai éprouvé le besoin de suggérer tout cela". Des burqas menaçantes sur échasses débarquent. Un ange nain les confronte en diffusant de la fumée avec un tuyau.
Reportage : JL Serra / I. Audin / P. Guennegan / C. Ngoc
Bartabas, à la manière de Charlie Hebdo, est volontairement explicite et n'a pas peur d'être provocateur. Cabu était son ami. C'est lui qui l'a dessiné il y a 25 ans en train de braquer une boucherie chevaline, fuyant avec un cheval blanc sauvé sur son dos. C'est d'ailleurs peut-être à lui qu'il rend hommage dans une scène saisissante où il avance sur un cheval couleur lait, bercé par la voix cabossée de Tom Waits qui accompagne toute la création.
Reportage : V.Benais, L.Crozat, F.Pedreno, I.Murat
Sabots implorant le ciel
À pas doux, le cheval tourne sur lui-même quatre fois, laissant avec ses sabots une trace qui forme des fleurs sur le sable. Le cavalier s'avance ensuite au centre de la fosse et baisse son chapeau sur son coeur. Spectacle coup de gueule et débridé, l'auteur s'attaque aussi à "cette monstruosité qui consiste à planifier la production d'animaux, d'êtres vivants, jusqu'à en faire de la nourriture sur pattes". C'est ainsi qu'un clown passe à plusieurs reprises sous le chapiteau avec sa boucherie ambulante remplie de "confiseries", sucettes de pieds de porc, saucisses caramélisée : "hallal, casher et je ne sais quoi", annonce-t-il au son de la fanfare.Sous-titré "Élégies", le spectacle est assez long (2 heures) et balance le spectateur du rire à l'émotion. Comme cette scène où des anges courent après une charrette poussée par un mini-poney. Sous leur poids, le poney bascule dans les airs. "J'ai trouvé ça drôle" ; "c'est très bande dessinée", commente Bartabas. La prouesse équestre reste, elle, toujours aussi impressionnante avec des cavaliers dansant sur un cheval lancé, un autre qui traverse seul au galop un champ de mousse dans lequel se débattent les anges ou ce cheval, allongé au sol, jambes en l'air qui semble implorer le ciel.
À Lyon, puis en tournée
Après Fourvière et Auch, "On achève bien les anges est repris par Zingaro dans son fief du Fort d'Aubervilliers jusqu'au 31 décembre 2015. Une tournée internationale est en cours de préparation.Cette création n'était en revanche pas programmée au festival d'Avignon cette année, alors que huit des créations de Bartabas ont été données en première française depuis 1988. Un choix de programmation du président du festival, Olivier Py, que dénonce l'ombrageux Bartabas.
"On achève bien les anges" du Théâtre équestre Zingaro - Conception, mise en scène et scénographie de Bartabas - Parc de Parilly dans le cadre des Nuits de Fourvière de Lyon jusqu'au 18 juillet puis en tournée...
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