WarnerMedia et Discovery fusionnent : un mastodonte du divertissement pour tenir tête aux géants du streaming
Le groupe américain de télécommunications AT&T va fusionner sa filiale WarnerMedia avec Discovery, créant un mastodonte des médias pour mieux résister à Netflix et autres géants du streaming.
La concurrence est rude sur le marché du streaming. Pour tenir tête aux grandes plateformes de visionnage comme Netflix, le groupe américain de télécommunications AT&T va fusionner sa filiale de médias WarnerMedia avec Discovery. Avec ce rapprochement, le groupe fait aussi le choix de se recentrer vers les télécoms et d'éponger ses dettes.
Lutte entre géants du streaming
Cette opération, qui devrait se conclure mi-2022, combine deux des plus grands groupes de médias aux Etats-Unis, proposant à la fois des chaînes traditionnelles (CNN et HBO côté WarnerMedia, Discovery Channel, HGTV, Food Network, et Eurosport côté Discovery) et des plateformes de streaming.
Initialement bien accueillie en Bourse, l'opération a ensuite laissé place à un certain scepticisme: AT&T, qui abandonne ainsi son ambition de devenir un grand nom du divertissement, a fini en baisse de 2,6% et Discovery de 5%. Le mariage annoncé lundi arrive au moment où le paysage audiovisuel américain est de plus en plus dominé par les grands noms du streaming que sont Netflix, Disney+, Amazon Prime Video ou Apple TV.
HBO MAX et Discovery +
Face à ce nouveau modèle économique, sans publicité mais avec abonnement, plusieurs groupes ont déjà ressenti le besoin de muscler leur offre pour garder leur stature dans la jungle impitoyable du divertissement américain. AT&T, premier câblo-opérateur américain et deuxième opérateur mobile, a ainsi lancé sa propre plateforme de streaming HBO MAX en 2020, et Discovery la sienne, baptisée Discovery+, en début d'année.
"La nouvelle entreprise sera en mesure d'investir dans davantage de contenus originaux pour ses services de streaming", soulignent les deux groupes dans un communiqué commun. "Netflix est une formidable entreprise, Disney également, mais nous possédons un catalogue de contenus très divers et attractif", a affirmé David Zaslav, l'actuel patron de Discovery qui sera à la tête de la nouvelle entreprise, dans un entretien à la chaîne américaine CNBC, en prédisant jusqu'à 400 millions d'abonnements.
HBO comptait 61 millions d'abonnés fin 2020 et Discovery+ 15 millions fin avril, tandis que Netflix en comptait 208 millions fin mars et que les plateformes de Disney (Disney+, ESPN+, Hulu) en recensaient 159 millions début avril. Le chiffre d'affaires anticipé de la nouvelle entreprise est d'environ 52 milliards de dollars à l'horizon 2023.
Pari raté
L'opération acte en revanche l'échec de la stratégie d'AT&T dans les médias. L'ambition, guidée par le précédent patron Randall Stephenson, était de miser gros sur le divertissement en créant un groupe proposant à la fois la production de contenus et sa distribution, d'offrir par exemple des séries en streaming à regarder sur ses téléphones mobiles.
Le groupe avait dans un premier temps racheté, en 2015, l'opérateur satellitaire DirectTV. Il avait, trois ans plus tard, bouclé l'acquisition de Time Warner - l'ancien nom de WarnerMedia - pour 85 milliards de dollars. En plus de CNN et HBO, AT&T avait alors mis la main sur les énormes productions Harry Potter et Batman via les studios Warner Bros, ainsi que sur les chaînes TNT, TBS et Cartoon Network.
Mais pour Richard Greenfield, analyste à Lightshed Partners, AT&T n'est jamais parvenu à créer les "synergies" désirées entre ses différentes opérations. "Dans l'environnement médiatique actuel, il faut avoir une taille suffisante sur un marché spécifique pour être à la fois assez grand et assez agile afin de s'adapter aux changements technologiques et se tailler un espace significatif dans un paysage dominé par les plateformes", a-t-il estimé dans un message de blog.
L'idée que des groupes de télécoms puissent proposer des contenus plus innovants pour la 5G ou d'autres moyens de diffusion en rachetant des groupes de médias était "discutable dès le début", a souligné Aija Leiponen, spécialiste de l'industrie des télécoms à l'université Cornell. "Il devient maintenant évident que toute innovation proposée n'a pas convaincu les clients ou qu'il n'y a simplement pas eu d'innovations marquantes", a-t-elle ajouté.
Recentrage sur les télécoms
Sous la houlette du nouveau directeur général, John Stankey, AT&T avait déjà vendu fin 2020 la plateforme spécialisée dans les séries d'animation japonaise Crunchyroll à Sony et annoncé en février la cession d'une partie de DirectTV à la société d'investissement TPG.
En se délestant de WarnerMedia, AT&T pourra de nouveau se concentrer sur son coeur de métier, les télécoms, et renflouer ses caisses. L'entreprise, qui affichait une dette nette de 169 milliards de dollars fin mars en raison notamment de ses nombreuses acquisitions dans les médias, recevra en effet environ 43 milliards de dollars. Ses actionnaires garderont 71% de l'entité nouvellement créée. L'opération reste tributaire d'autorisations réglementaires, au sujet desquelles John Stankey s'est montré confiant lundi sur CNBC.
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